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J’étais surprise (mais pas jusqu’à être émue, quand même), de voir que Songza nous avait concocté toute une sélection de musique pour la fête du Canada. Hier et avant-hier, l’application concierge proposait des listes telles que Classic Canadiana, Canuck folk, et pour nous, les Québécois, un spécial «fête du déménagement» incluant les listes Modern Montreal, La Musique de French Canada (sic), et Moving day madness.
Contrairement à ce groupe qui a décidé de boycotter Best Buy en raison de sa décision de souligner une forte propension au déménagement plutôt qu’un sentiment patriotique dans la belle province le 1er juillet, j’étais touchée qu’on reconnaisse cette distinction culturelle chez Songza. Mon chauvinisme était surtout exalté d’entendre Wolf Parade, Cœur de pirate, Ariane Moffatt et Grimes réunis dans une liste célébrant la créativité montréalaise.
Je ne suis pas contre le fait de reconnaître une culture canadienne. Je n’ai même rien contre le folk ou le country. Emmenez-en, du Shania Twain. Mais une culture canadienne, est-ce que ça existe? Vraiment? Ou est-ce qu’on n’a pas raison d’appeler le Canada «America Jr»?
Chaque fois qu’on parle de musique canadienne, on brandit les noms de Joni Mitchell et de Leonard Cohen. La première a connu le succès lorsqu’elle s’est exilée en Californie, le second une fois bien installé à New York. Leur musique est largement inspirée par la culture américaine, que ce soit dans sa forme ou dans son fond. Il y a peut-être quelque chose de canadien là-dedans, mais je ne saurais le déceler.
Hier, parmi les «canadian lists» de Songza, il y avait ces Canadian Pop Jams, une liste concoctée par nul autre que Justin Bieber, contenant Avril Lavigne, Drake, et… Nicki Minaj. Surprise de voir cette dernière dans la liste, j’ai vérifié. Non. Pas Canadienne. Mais après tout, qu’est-ce que ça change, hein? En autant qu’elle le soit dans le cœur de Justin.
En regardant à la télé le spectacle présenté devant le parlement d’Ottawa, j’ai réalisé que plusieurs artistes canadiens manquaient à ma culture. Qui étaient ces Carly Rae Jepsen, Terri Clark et Lucie Idlout? Sonnaient-ils vraiment «canadian» à mes oreilles?
Récemment, j’ai rencontré un animateur de radio anglophone de Montréal. Un gars qui anime l’émission du retour sur une chaîne populaire. L’émission du retour : la même case horaire que Sébastien Benoît. Je lui ai demandé s’il était, lui aussi, une grosse vedette. «Non», m’a-t-il répondu. Ce n’était pas de la fausse modestie : son compte Twitter affiche moins de 1000 fans, c’est mince, pour un animateur de radio. La madame de Radio Circulation a plus de fans que ça. Ce que m’a expliqué l’animateur en question, c’est qu’un anglo ne devient pas réellement une vedette s’il ne perce pas le marché américain. «Animer le 4 à 6 à Montréal, pour un anglo, c’est comme animer à la radio de Val-d’Or pour un Québécois», d’après lui.
Ça m’a soudainement semblé très difficile, être un anglo. Avec un bassin si important de compétiteurs, la barre est haute, pour se démarquer. Est-ce que c’est parce que Montréal, pour les Canadiens, c’est comme Chicoutimi, que ce site internet a des airs si… régionaux?
On dit souvent que la culture canadienne se noie dans l’américaine, et la plupart du temps, on le dit avec un certain mépris. On se targue, les Québécois, d’avoir une culture
propre à nous, qui se distingue par sa langue et son petit écosystème de vedettes bien à elle. On est satisfaits d’avoir une cinématographie et une télévision qui nous ressemblent, qui fait beaucoup avec peu, et qui se démarque malgré tout. Au fond, on n’est pas plus fins que nos concitoyens anglos. On est juste très très chanceux d’avoir cette langue qui nous force à nous créer notre propre divertissement et qui nous permet, par le fait même, de nous distinguer de nos voisins du sud.