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Difficile à croire quand on regarde autour, mais le bâtiment qu’occupe le Centre des Archives nationales de Montréal, rue Viger coin Saint-Hubert, était, au début du 20e siècle, un emplacement de choix.
(NDLR: Parti explorer les coulisses d’édifices ou de lieux emblématiques de la métropole, le reporter Vincent Fortier revisite aujourd’hui le Centre des Archives nationales de Montréal.)
De l’autre côté de la rue, l’imposante gare Viger était pas mal plus vivante qu’aujourd’hui. Entre les deux, où l’autoroute Ville-Marie cicatrise le paysage, on retrouvait un immense parc aux grands arbres touffus.
C’est d’abord l’École des hautes études commerciales (HEC) qui s’y installe, en 1910. Le square Viger est alors considéré comme l’un des plus beaux jardins de la ville. Les temps changent… HEC demeurera propriétaire du bâtiment jusqu’en 1970 avant de céder sa place au Collège Dawson.
Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que les Archives nationales investissent les lieux, donnent au bâtiment le nom de Gilles-Hocquart – en l’honneur du 14e intendant de la Nouvelle-France qui a été l’un des premiers à s’intéresser à la conservation des archives – et entreprennent des travaux de rénovation et de conservation du bâtiment. Le centre est l’une des neufs adresses régionales des Archives nationales.
Aujourd’hui, dans ce lieu encore peu connu des Montréalais, on compte 25 kilomètres de documents. «On arrive à quasi saturation», indique l’archiviste Frédéric Giuliano qui me fait faire le tour du propriétaire. Visite d’un endroit moderne qui cache les traces de notre histoire.
Les géantes
Ces quatre géantes accueillent les visiteurs qui se rendent à la salle de lecture des Archives. Elles n’ont pas toujours été à cet endroit. Œuvres du sculpteur américain Henry Augustus Lukeman, elles sont ajoutées au haut des colonnes de la Banque Royale, rue Saint-Jacques, en 1907. Usées par le temps – l’une a perdu un bras –, elles ont été retirés en 1991, puis sauvées par Paul Desmarais, de Power Corporation, qui en a fait don aux Archives en 1999.
La salle de lecture
Logée dans l’ancienne bibliothèque de HEC, la salle de lecture du Centre d’archives en impose. Entièrement rénovée au tournant du millénaire, elle marie l’ancien et le moderne. Urbania a eu le privilège d’y prendre des photos, ce qui est habituellement interdit! Certains disent que les planchers de verre des différents étages ont été givrés quand les filles, vêtues de jupes, ont commencé à fréquenter les HEC. «Une légende urbaine», confirme, rabat-joie, Frédéric Giuliano. La grande majorité des gens qui visitent les archives le font pour découvrir leur généalogie.
Digne d’un film policier
Flash-back de l’université où j’ai dû manipuler ces machines à microfilms pour consulter des découpes de journaux! Le Centre d’archives de Montréal compte 15 000 microfilms. «Le travail de numérisation sera l’un des grands défis qui nous attend», concède M. Guiliano. À des postes de visualisation, quelques têtes grises consultent des documents. Presque chaque semaine, l’endroit reçoit aussi la visite de policiers qui tentent d’en savoir plus sur des dossiers non résolus. Près de la moitié des documents gardés au Centre sont des archives judiciaires. Le Palais de justice conserve ses archives pendant 30 ans, puis les envoie sur la rue Viger.
Intrusion privée
Dans leur très vaste collection, les Archives nationales comptent 15 millions de photos, dont 8 à 9 millions à Montréal. Des photos officielles et publiques, mais aussi un bon lot de collections privés. Ainsi, l’archiviste Giuliano me montre de vieux daguerréotypes dans de jolis petits coffrets datant du début du 20e siècle et ayant appartenu à la famille Landry. Je me sens presque gêné de regarder les pommettes rouges de cet homme dont je ne sais rien. Pour calmer mon malaise, on me montre aussi des négatifs sur verre pris lors de la construction du pont Mercier, en 1930, et un immense rouleau de négatifs de vieilles photos aériennes de Montréal.
De tout
On trouve vraiment de tout aux archives. Des correspondances de Clémence Desrochers jusqu’à une lettre anonyme, écrite sur écorce de bouleau, parce qu’en 1913, le papier se faisait rare! Sur la photo, Frédéric Giuliano me montre un jugement de la cour de 1934, condamnant un homme à un an de travaux forcés et à une caution de 1 000 $ pour blasphème oral, parce que le malheureux avait tenu une conférence sur les vices des papes. Le pape François lui aurait sans doute lavé les pieds.
Musée technologique
Il n’y a pas que les milliers de documents conservés aux archives qui sont des reliques du passé. Cette salle de visionnement réservée au personnel ressemble à un véritable musée des technologies. C’est que pour lire certains documents qu’on reçoit, il faut encore des projecteurs ou des lecteurs Beta. «Quand on voit une vente de garage, on regarde toujours si quelque chose pourrait nous intéresser», lance M. Giuliano. La plupart de ces documents seront par la suite numérisés pour éviter de les perdre à jamais.
24 entrepôts
Le centre de Montréal compte 24 magasins pour conserver ses archives. Dans l’entrepôt des photos, où la température est maintenue à environ 12 degrés, on peut sentir l’odeur de vinaigre caractéristique à ces documents. Le simple fait d’ouvrir la porte du frigo des photos couleurs, gardé à cinq degrés, et d’y rester 30 secondes, suffit à faire augmenter la température. Sur la photo, le plus grand magasin du 435 Viger Est est rempli de documents légaux. «Environ 80 % des documents qu’on trouve dans ces boîtes sont des papiers de divorce! » indique Frédéric Giuliano.