Hugo Mudie a dĂ©cidĂ© de lĂącher lâuniversitĂ© pour partir en tournĂ©e non-stop avec The Sainte Catherines en 1999. Depuis ce temps, il a sorti 36 albums et il a brĂ»lĂ© plus de 10 moteurs de camions sur la route Ă travers le monde. Il est montĂ© sur scĂšne des milliers de fois, organisĂ© des shows mĂȘme en dormant, dĂ©marrĂ© des compagnies de disques, fondĂ© des festivals, bookĂ© des rappers, gĂ©rĂ© des chanteuses, pognĂ© deux fois la bactĂ©rie mangeuse de chaire, pleurĂ© dans des loges, envoyĂ© chier la moitiĂ© de la planĂšte et faite le party avec lâautre moitiĂ©. Il veut aujourdâhui dĂ©mystifier les dessous de lâindustrie musicale telle quâil lâa connue et la perçoit. Cette semaine, il nous parle des critiques de musique.
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Le streaming du temps
Dans le passĂ©, avant la longue et pĂ©nible mort de lâindustrie du disque, les critiques musicales Ă©taient un mal nĂ©cessaire. Bien que trĂšs souvent paresseux dans leurs recherches et totalement Ă cĂŽtĂ© de la track dans leurs analyses, on pouvait au moins lire une description et se faire une idĂ©e si un album Ă©tait de notre genre ou pas. Le travail devait ĂȘtre bien fait par contre, ce qui Ă©tait rare.
Je finissais souvent par me dire, Ă quoi ça sert au juste de savoir ce quâun mĂ©ga fan de Blink 182 pense du dernier Fugazi? Mais avant internet, câĂ©tait bien souvent le seul moyen de diriger nos achats de disques, nâayant aucun moyen dâĂ©couter la musique sans lâavoir physiquement. CâĂ©tait Ă lâacheteur de faire la part des choses et de se faire sa propre opinion. Il fallait lire beaucoup de critiques et devenir une sorte de critique de critiques pour choisir son prĂ©fĂ©rĂ© et se fier Ă ses goĂ»ts.
Ăa dĂ©pendait de qui tu pognais, de ses goĂ»ts, de son feel ce jour-lĂ , sâil avait Ă©coutĂ© 40 disques du mĂȘme genre avant.
Quand jâai commencĂ© Ă faire et sortir des albums avec ma compagnie de disque, Dare To Care Records, jâai commencĂ© Ă catcher un peu plus comment ça marchait⊠Une vraie loterie dans lâfond. Par exemple, mon groupe The Sainte Catherines pouvait se faire dĂ©foncer totalement dans une critique du Heartattack (le magazine emblĂ©matique du hardcore dâintellos des annĂ©es â90) et se faire lancer des fleurs dans lâĂ©dition suivante pour le mĂȘme disque. En gros, ça dĂ©pendait de qui tu pognais, de ses goĂ»ts, de son feel ce jour-lĂ , sâil avait Ă©coutĂ© 40 disques du mĂȘme genre avant. Ăa dĂ©pendait de tellement de trucs que ça perdait de son importance.
Comme des sportifs de salon
Je me suis souvent pognĂ© avec des critiques (et je nâai pas fini, avec la sortie de ce texte), parce que je trouve effrontĂ© et peut-ĂȘtre mĂȘme impoli le fait de rabaisser quelquâun par rapport Ă quelque chose que tu ne sais pas faire toi-mĂȘme. Un peu pour la mĂȘme raison que jâaime mieux Ă©couter le hockey tout seul, parce que ça mâinsulte au plus haut niveau entendre un gros lard qui ne sait pas patiner dire que «Nathan Beaulieu câest un FUCKING LOSER qui ne sait pas jouer au hockey».
Mange tes *$#@%$#%!# chips pis ta yeule.
Dude, allume. Le gars est un des 600 meilleurs joueurs de hockey sur la planĂšte. Yâest pas juste pas pire, yâest fucking MALADE. Il irait jouer pendant quatre minutes avec toi dans le gymnase de ta jeunesse qui sent les vieux tapis bleus et il te torcherait 20 Ă 0. Tu finirais avec une crise cardiaque et les deux Ă©paules disloquĂ©es. Ce nâest pas un fucking loser, câest un athlĂšte de haut niveau. Mange tes *$#@%$#%!# chips pis ta yeule.
Y paraĂźt queâŠ
Malheureusement, en plus, on se fie sur une seule critique pour se faire une idĂ©e gĂ©nĂ©rale et pitcher des «y paraĂźt que». Le nombre de fois que jâentends quelquâun dire «y paraĂźt que le nouveau _____________ est full poche!» est dĂ©mesurĂ©.
Le choix de la musique quâon Ă©coute ne dĂ©finit pas notre personnalitĂ©.
DerniĂšrement je me suis mis Ă demander aux individus de citer leurs sources.
«Ben jâai lu une critique quelque part, ça disait que câĂ©tait vraiment ordinaire.»
Lâopinion dâune personne devient un «y paraĂźt que».
Pourquoi ne pas se faire sa propre opinion? Pourquoi garder en vie lâexistence de ces critiques quand on peut, en un clic, Ă©couter lâalbum / la toune / voir le show? De nos jours, câest totalement inutile dâavoir lâavis dâun «expert» en musique. Je nâai pas besoin de savoir ce que Petit Joe pense du nouveau Coldplay, je peux juste lâĂ©couter et dĂ©cider si je lâaime ou pas. MĂȘme si tout le monde le dĂ©teste, pourquoi moi je lâaimerais pas. Le choix de la musique quâon Ă©coute ne dĂ©finit pas notre personnalitĂ©. Il ne faut pas avoir peur dâĂȘtre Ă contre-courant dans nos goĂ»ts. Sans les critiques, les gens seraient plus honnĂȘtes pour dire ce quâils aiment vĂ©ritablement. Les gens ont peur dâaimer des choses que les critiques ont dĂ©molies et vice versa. La peur dâĂȘtre Ă contre-courant.
Je ne chante pas pour toi
Ceux Ă qui jâaccorde le plus dâimportance lorsque vient le temps de donner une opinion, ce sont mes pairs. Ce sont eux selon moi les meilleurs critiques de disques. Eux qui savent câest quoi Ă©crire des chansons. Se faire chier avec des jams, des camions, des repas de truck stops, des amis jaloux, du stage fright, des relations compliquĂ©es. Eux qui savent câest quoi tout sacrifier pour un fucking band. Eux qui catchent lâhistorique, lâimplication, les rĂ©fĂ©rences.
«Je ne lis pas les critiques, non, je ne chante pas pour vous.»
Les ventes dâalbums sont en dĂ©clin pis jâai lâimpression quâil se passe la mĂȘme chose avec les critiques qui venaient avec. Pour ma part, si yâa du monde qui Ă©coutent mes tounes et qui trippent, pleurent, chantent, dansent, rĂ©flĂ©chissent, aiment, dĂ©testent, crient ou se dandinent, ma job est faite. Que jâai 1/5, 3 Ă©toiles et demie ou 4 fucking micros dâor.
Comme chantait le mythique groupe Américain Bright Eyes: «Je ne lis pas les critiques, non, je ne chante pas pour vous.»
Je dis donc: morts aux critiques de musique. (Jâai hĂąte que mon album sorte, dâaprĂšs moi je vais avoir quelques 1/5)
Pour lire un autre texte d’Hugo Mudie: «Musique : La vĂ©ritĂ© sur les groupies».