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Aimer une seule personne. Toute une vie. Parce que cette personne-là répond à nos besoins. Tous nos besoins. Le gros lot de la romance. Le jackpot du cœur. L’âme sœur.
Parlez-moi d’un objectif réaliste ET/OU d’une idée crissement terrifiante. La dernière chose que je veux, c’est bien qu’un adulte dépende de moi. Et s’il y a une chose dont je suis certaine, c’est que je pourrais aimer mille millions de personnes. (Mais bon, je ne suis peut-être pas la plus romantique de la gang. En cinquième année, quand le petit Jean-Michel a chanté «Que je t’aime», agenouillé devant moi tandis que je lavais le tableau de la classe, je lui ai versé mon seau d’eau sale sur la tête. Je l’ai laissé le lendemain parce qu’il avait touché ma fesse pendant qu’on patinait. Good times.)
«Une seule personne pendant six décennies? Kill me.»
Tout ça pour dire que la semaine dernière, au bureau, une collègue m’a reproché de ne pas croire au grand amour, voire même de mépriser les gens qui s’aiment depuis 60 ans (c’est son interprétation, moi j’ai juste dit: «Une seule personne pendant six décennies? Kill me.»). J’ai spontanément eu envie de me moquer de sa naïveté, mais je me suis retenue… Et si elle avait raison? Et s’il existait sur terre une seule personne vraiment parfaite pour moi? Aurais-je le cœur trop noir pour la reconnaître?
Je me suis tournée vers la science pour m’assurer que je n’étais pas morte en dedans. Et, soyons honnêtes, pour clouer l’bec de ma collègue brainwashée par Disney.
Randall Munroe travaillait pour la NASA avant de quitter son emploi et d’embrasser sa passion pour la BD.
Et si ?
Randall Munroe travaillait pour la NASA et il aimait beaucoup dessiner. En 2006, il a décidé de quitter son emploi et d’embrasser sa passion pour la BD. Il a créé le blog xkcd, dont le contenu allie brillamment philosophie, science et humour. L’artiste a rapidement acquis de nombreux fans… Des fans avec des questions existentielles. En 2012, il a donc créé le blog What if, dans lequel il répond aux interrogations aussi importantes qu’absurdes de sa communauté.
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Le livre What if, publié en 2014, réunit les meilleures de ces questions/réponses. Par exemple: qu’arriverait-il si tous les humains se collaient et sautaient en même temps? Si notre ADN se volatilisait, est-ce qu’on survivrait? À partir de quelle hauteur faut-il échapper un steak pour qu’il soit cuit une fois arrivé au sol? Et joie! Dans l’un des chapitres, Munroe se demande si, mathématiquement parlant, il est possible de backer la théorie de l’âme sœur. GAME ON.
Si notre âme sœur existe vraiment, comment fait-on pour la trouver?
Son hypothèse de base est la suivante: il n’existe qu’une personne parfaite pour nous, et c’est le hasard qui décide du match. Toute autre relation amoureuse est vouée à l’échec. Il nous faut donc trouver THE ONE. Et comment reconnaît-on l’élu? Comme dans tout bon film hollywoodien! C’est-à-dire qu’on n’a qu’à le regarder dans les yeux. Le temps s’arrête, notre respiration lâche, bing bang, on le sait et c’est tout.
Maintenant que les paramètres sont bien définis, si notre âme sœur existe vraiment, comment fait-on pour la trouver parmi l’immense masse d’humains sans intérêt amoureux qui peuple la terre?
La chasse à l’amour
Je ne veux pas tout révéler, parce que la réflexion et la plume de Munroe sont de petits délices, mais pour vous donner une idée de l’ampleur de la tâche, permettez-moi de le citer: «Une centaine de milliards d’êtres humains ont vécu depuis l’apparition de l’homme, mais seuls 7 milliards sont actuellement vivants (ce qui donne un taux de mortalité de 93% pour l’ensemble de l’espèce humaine). Hélas, si nous étions appariés au hasard, 90% de nos âmes sœurs seraient mortes depuis longtemps.»
On ne pourrait trouver l’âme sœur que dans une vie sur 10 000.
Ça part mal! Et ça ne s’arrête pas là. On peut aimer une personne plus jeune que soi. Vraiment plus jeune que soi. Alors il faut prendre en considération les gens qui naîtront dans le futur! Si on ne prend compte que des humains qui sont nos contemporains, et avec qui l’on pourrait avoir des relations sexuelles sans enfreindre la loi ou être complètement indécents, l’auteur estime qu’il faudrait croiser le regard d’un demi-milliard de personnes pour trouver notre âme sœur.
Rencontrer l’homme ou la femme de sa vie en quelques décennies.
Considérant la quantité de regards que l’on croise chaque jour (qui varie grandement en fonction de notre métier), statistiquement, Munroe en arrive à la conclusion qu’on ne trouverait l’âme sœur que dans une vie sur 10 000. Et ça, c’est si on trouvait une façon d’observer un demi-milliard de paires de yeux…
Pour y arriver, l’auteur propose d’ailleurs un immense système de tapis roulants qui ferait rapidement défiler des milliers de corps et/ou la création d’un chatroulette axé uniquement sur les yeux: «Si chacun utilisait le système huit heures par jour, sept jours sur sept, et s’il nous fallait deux ou trois secondes pour décider si quelqu’un est notre âme sœur ou non, cela permettrait théoriquement à chacun de rencontrer l’homme ou la femme de sa vie en quelques décennies.» Un loisir uniquement accessible au fameux 1%, celui assez riche pour se permettre de ne rien faire d’autre que zyeuter. Pendant 30 ans.
Ça fait que… Est-ce que l’âme sœur est un concept réaliste?
JE NE PENSERAIS PAS, CHÈRE COORDONNATRICE D’URBANIA.
(Tu peux ben être poche sur Tinder…)
Pour lire un autre texte de Rose-Aimée Automne T. Morin: «L’estie de “game” amoureuse».