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On connaît Aliocha Schneider pour l’avoir vu à la télévision (Tactik, Yamaska, Les Parents, Jérémie) et au cinéma (Ma mère est chez le coiffeur, Ville-Marie, Closet Monster). Depuis la sortie de son EP «Sorry Eyes» en septembre, on le découvre maintenant grâce à Aliocha, son projet musical.
Alors qu’UBRANIA vous offre l’écoute exclusive de son premier long jeu «Eleven Songs», j’ai eu envie de jaser rencontres, influences et voyages avec lui: du Dieu du groove à son mini-moi en passant par Berlin.
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Jean Leloup m’a mis en garde; il fallait que j’emmerde tous ceux qui allaient vouloir me formater.
Après des petits cours de chant à 10 ans, ton parcours musical est essentiellement autodidacte. C’est quoi les défis et beautés d’un tel processus?
J’ai jamais senti le besoin d’apprendre la musique dans un cadre scolaire. C’est facile aujourd’hui de trouver des outils ailleurs. Ça m’est arrivé d’étudier des bouquins de théorie musicale, mais là où j’apprends le plus c’est en écoutant de la musique et en essayant de recréer ce que j’aime. Ça me paraissait logique de faire mon propre chemin pour finalement livrer quelque chose de personnel.
En 2012, tu croises Jean Leloup dans un café. Tu lui dis : « J’ai 8 chansons, je ne sais pas quoi en faire » et il t’invite en studio pour écouter ça. De fil en aiguille vous enregistrez le tout avec ses musiciens pour te créer une maquette. Avec un peu de recul, qu’est-ce que tu gardes de cette rencontre?
Quand j’ai rencontré Jean, j’avais 17 ans et j’avais, c’est ça, à peu près 8 chansons et je ne connaissais pratiquement rien à la musique. Il m’a mis en garde; il fallait que j’emmerde tous ceux qui allaient vouloir me formater. Il m’a dit : «faire de la musique aujourd’hui c’est empêcher les gens de t’empêcher de faire de la musique». Il croit à la take magique, l’instant sacré où le Dieu du groove pose sa main sur notre front créant une connexion divine entre les musiciens! J’exagère à moitié! C’est ce qu’il recherche en faisant de la musique. Moi ça m’amuse de chercher ça aussi, je trouve ça plus marrant que de manipuler des notes sur mon ordi.
À Paris, autre rencontre décisive, tu tombes sur le réalisateur Samy Osta avec qui c’est une complicité artistique instantanée et absolue. Avec lui, comment s’est passée la coproduction de « Eleven Songs »?
Samy est venu à Montréal pour faire des maquettes et pour connaître ma ville, mon mode de vie, mes amis. C’était important qu’on se connaisse et qu’on se comprenne bien avant de commencer à travailler. On a écouté beaucoup de musique: Dylan, Beck, Lennon, Portishead etc. Ensuite on a passé deux semaines à Göteborg en Suède dans un studio auquel on avait accès 24h/24. On dormait au 2e étage et on enregistrait quand on voulait, parfois toute la nuit, on sortait rarement. C’était une bulle créative, loin de tout.
Parlant de bulle: venir d’une grande famille d’artistes, ça stimule ou ça met de la pression?
C’est stimulant, j’ai beaucoup d’admiration pour mes frères et ils m’inspirent.
Tes influences vont de Bob Dylan, à Eliott Smith en passant par Nick Drake. Pour chacun, quel album t’a le plus marqué?
- Bob Dylan: The Freewheelin’ Bob Dylan
- Elliot Smith: Either/Or
- Nick Drake: Pink Moon
À Berlin les gens bougeaient, dansaient, ils ont vraiment l’esprit de la fête.
Bons choix! Mais revenons à toi, comment as-tu construit ton album et de quoi parle-t-il?
J’ai composé l’album sur 5 ans alors forcément j’ai abordé plusieurs thèmes, mais au final ce sont presque toutes des chansons dans lesquelles je m’adresse à quelqu’un que j’aime. Parfois un ami, parfois un frère ou une femme. Le choix des morceaux a été un long processus. On a enregistré 20 chansons et au final il y en avait 14 dont j’étais satisfait (maintenant réparties entre le EP et l’album).
Tu crées des chansons depuis que tu as 16 ans, comment ton écriture s’est-elle transformée au fil des années?
Mes chansons les plus datées sont celles où on sent le plus mes influences. Je crois que c’est normal, plus je compose, plus ma personnalité se définit, et plus je peux laisser tomber mes béquilles de mimétisme.
Dans mon cœur, je fais un petit high-five au mini-moi de 10 ans qui se disait : « je serai chanteur un jour ».
Est-ce que ton expérience d’acteur influence ta performance scénique? En spectacle, tu deviens un personnage ou tu restes simplement toi-même?
Je reste moi même! Je parle de choses très personnelles dans mes chansons et je veux que les gens le sentent. Je n’ai pas envie de me cacher derrière un personnage.
« Eleven Songs » va sortir simultanément en Europe et au Canada. Tu étais d’ailleurs en concert à Berlin il y a quelques jours. Comment sont tes différents publics?
À Berlin les gens bougeaient, dansaient, ils ont vraiment l’esprit de la fête, c’était cool. Mais en général je vois surtout une différence selon le contexte du show; si les gens sont debout ou assis, s’il est 15h ou minuit, si on joue avec d’autres bands ou si les gens viennent juste pour nous voir.
(15h: l’heure du punk rock!)
Outre tes autres talents, faire de la musique c’est ton rêve depuis que tu as 10 ans. Quel effet ça fait de le concrétiser si jeune?
C’est une période intense en ce moment qui peut être stressante, exigeante et éprouvante, mais c’est vrai que je suis en train de vivre quelque chose dont j’ai tellement rêvé et qui est le fruit d’énormément de travail. Dans mon cœur, je fais un petit high-five au mini-moi de 10 ans qui se disait : « je serai chanteur un jour ». Je crois que ce qui me rend le plus heureux et le plus fier c’est quand je pense à tous les gens qui m’ont aidé (et il y en a eu beaucoup). J’ai envie de leur dire : « Regardez!! Enfin!!! »
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La musique d’Aliocha: du pop-folk dans lequel résonnent doucement les années de travail et la passion. Jeune artiste à surveiller, il est à la fois humble et exigeant dans sa recherche d’authenticité (high-five mérité)!
C’est le 2 juin que «Eleven Songs» sortira officiellement. Niveau spectacles, Aliocha montera sur les planches du Savoy du Métropolis les 29 et 30 juin dans le cadre du Festival International de Jazz!