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Je dormirai quand je serai mort

Tout le monde est occupé, on peut arrêter de se le dire.

Par
Jay Du Temple
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«Je dormirai quand je serai mort» était l’une des phrases préférées de mon grand-père Pépé.

«J’suis occupé», «Je n’ai pas le temps», je ne suis plus capable d’employer ces phrases-là, donc je les remplace par «On s’amuse», «Les nuits sont courtes et les journées passent vite», ou «Je dormirai quand je serai mort».

C’est la première fois de ma vie où je suis sincèrement occupé, et tu sais quoi? J’aime vraiment ça. En fait, ce n’est pas vrai. Je me concentre à aimer ça.

Je chialais quand mes affaires ne levaient pas, je ne chialerai certainement pas quand le téléphone se met à sonner.

MIND OVER BODY CALINE!

Ce n’est pas facile. Je ne suis pas toujours de bonne humeur. Honnêtement, je me réveille en sacrant à tous les matins ou presque en disant: «Voyons, je suis devenu humoriste pour ne pas avoir à me lever tôt, qu’est-ce que je fais debout à 5h30?!» (J’ai enlevé les quelques sacres, mes parents lisent mes textes.)

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Je bois plus de café, je me donne deux trois tapes dans le visage et on est reparti, mais je ne peux pas chialer. Je chialais quand mes affaires ne levaient pas, je ne chialerai certainement pas quand le téléphone se met à sonner. Je ne serai pas dans la gang de monde qui chiale contre le froid ET le beau temps. Choisis ton camp l’ami. Tu ne peux pas prendre pour les Nordiques et les Canadiens.

En plus, on s’entend… je conte des jokes. Je ne dénigre pas mon travail, c’est le meilleur au monde, mais ça demeure des petites rigolades.

À mes côtés, il y a ma grande sœur, mère de deux enfants (les plus nice au monde), qui a deux entreprises avec son mari et gère ma carrière (en plus d’assurer la survie de ses propres enfants, elle assure la mienne).

Tout le monde est occupé. On peut arrêter de se le dire.

De l’autre côté, ma petite sœur travaille pour le vignoble familial (represent Domaine St-Jacques), va à l’université et s’entraine au Crossfit de haut niveau (dimanche, je reviens d’un petit 5 à 7, et elle s’entraine dehors chez mes parents. Je ne pouvais pas ne pas embarquer. Je suis son grand frère. Je lui ai montré à faire des push-up (l’exercice, pas le type de brassière). Rien de mieux comme «pre-workout» que deux bons black velvets.).

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Mes parents ont des entreprises, une famille, une maison, un couple à entretenir, un chien, ils gardent mon chat, et pourtant quand j’arrive chez eux, ils prennent le temps de me nourrir, faire mon lavage et me donner des idées de blagues (Yvan et Nicole, source inépuisable d’humour depuis 1979).

J’ai des amis qui viennent d’avoir leur premier enfant, une autre qui déménage à Vancouver pour la job, mon meilleur ami est avocat pour l’aide juridique en plus de faire partie de 17 C.A.s, avoir une fondation et parrainer des réfugiés syriens. J’ai une amie qui vient d’ouvrir un commerce, un autre qui achète une entreprise en Floride, une qui accouche de son deuxième enfant (pas en ce moment exactement, quoique ça dépend du moment où tu lis ce texte, probablement que ce sera véridique pour quelques lecteurs), j’ai eu une copine qui était infirmière de nuit, un ami pompier à Montréal, un autre policier à Longueuil, une qui s’entraine pour les Olympiques, bref, tout le monde est occupé. On peut arrêter de se le dire.

Un enfant, ça s’occupe parce que ça veut vivre. Être occupé, c’est vivre.

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On se le dit comme si c’était négatif. «Ouf, je suis occupé… fatigué. J’ai hâte aux vacances. En attendant, je m’accroche à mes p’tits jeudredis et vendredis vinos.»

J’étais chez ma sœur tantôt et mon neveu n’a pas voulu dormir une minute. «Parler à mon oncle Bil Maman?» (mon beau-frère et moi nous appelons mutuellement Bil pour «Brother-In-Law». Je t’invite à faire la même chose. C’est nice.)

Ce qui fait qu’un enfant c’est si magnifique, c’est son désir de vivre (et ses mini souliers).

Ça veut tellement exister. Ça ne veut pas s’endormir le soir. «Est pas fatigué Maman», dit Adam, pratiquement tous les soirs. Il a terminé sa «sieste» en chantonnant: «Pas fatigué, pas fatigué, pas fatigué»,

«On va se lever tôt demain, on n’est pas en vie pour dormir.»

Un enfant, ça s’occupe parce que ça veut vivre. Être occupé, c’est vivre. Pourquoi on va en voyage? On s’occupe, on visite, on retourne aux sources: découvrir l’inconnu.

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«On va se lever tôt demain, on n’est pas venu en Italie pour dormir.» Pourquoi ne pas se dire ça tous les jours? «On va se lever tôt demain, on n’est pas en vie pour dormir.» Je ne te dis pas de ne pas dormir. Je suis le plus grand fan de sieste. Je pense simplement que le feeling de se coucher après une journée de 15 heures, c’est le meilleur, parce qu’on se rapproche de celui d’être enfant.

Je vais quand même me lever à 5h30 en sacrant demain et embarquer sur scène à 20h le soir, le sourire aux lèvres en chantonnant dans ma tête «pas fatigué, pas fatigué, pas fatigué» parce que ça sert à ça vivre: faire ce qu’on aime le plus au monde, se tromper, apprendre, recommencer, réussir, festoyer malgré le fait qu’on doit re-recommencer le lendemain matin, et se dire: «Je dormirai quand je serai mort.»

Pour lire un autre texte de Jay Du Temple: «Décevoir, c’est pire que tout».

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