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Réjean Ouimet : la vie d’un gourou de la météo depuis 29 ans

Quand Dame Nature est ta collègue

Par
Marc-André Sabourin
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Rencontre avec une personne pour qui la météo, ce n’est pas juste une façon de casser la glace dans une soirée mondaine. C’est son quotidien.

***

Si la météo était un culte, Réjean Ouimet en serait le gourou. Depuis 29 ans, il fait partie des météorologues de MétéoMedia qui nous annoncent le temps qu’il fera. Entrevue avec un gars pour qui la météo n’est pas une simple conversation de machine à café.

C’est un terrain de jeu excitant pour un météorologue, le Québec?

On a beau connaître des extrêmes, on n’a pas vraiment d’ouragans, de tornades et de sécheresse, ici…

Pour un gars qui veut faire de la météo, le Québec, c’est parfait.

Les conditions idéales pour le corps humain se situent entre 20°C et 24°C, avec une humidité relative de 50% et un vent de 5 à 7 km/h, pas plus. On a ça, oh, 70 fois par année au Québec? Ces journées-là, c’est pas compliqué: t’as pas besoin de météo. Mais le reste du temps, le confort est affecté: on parle de précipitations, de chaleur, de froid, etc.

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Et même dans une journée parfaite, on a à peu près 10 degrés entre les températures du matin et celles de l’après-midi. Faque il y a toujours de l’action, et pour un gars qui veut faire de la météo, c’est parfait. Mais si j’étais le bon Dieu et que je cherchais le meilleur climat où mettre quelqu’un, je suis pas certain que je choisirais le Québec.

Est-ce que les météorologues font du small talk sur la météo?

C’est certain qu’on parle de météo, mais on pousse ça un peu plus loin. «As-tu vu telle étude qui vient de sortir? Hey, le modèle américain a été upgradé…» Tu appelles ça du small talk, moi j’appelle ça du great talk.

J’imagine que vous vous remontez un peu le moral entre vous aussi. Le monde chiale souvent contre le gars de la météo…

Dans le temps, quand ça allait bien ou mal, c’était à cause des dieux. Maintenant, c’est le météorologue qui personnifie la météo. Les gens savent qu’on ne contrôle pas le temps qu’il fait, mais quand tu cherches un bouc émissaire, le pas est facile à franchir. Ça fait partie de la game. Sauf que ça se fait avec un clin d’œil. C’est une relation amour-haine, avec un grand A et un petit h.

Quand on fait une erreur, on se gratte la tête et on essaie de comprendre pourquoi.

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T’es pas tanné d’entendre dire que les météorologues se trompent tout le temps…

C’est la première blague qu’on me fait quand je rencontre quelqu’un. «Vous vous trompez tout le temps!» On a cette pression-là du public et on sait qu’on n’a pas une marge de crédit infinie. Je peux faire des prévisions excellentes pendant des années, et là, arrive un cas comme le 24 janvier, où y’a de la pluie verglaçante qu’on n’avait pas anticipée. Ça sape notre crédibilité pour un bout de temps.

Ça fait mal au cœur, mais c’est un beau défi. Crains pas que quand on fait une erreur, on se gratte la tête et on essaie de comprendre pourquoi.

Est-ce que vous vous trompez si souvent de ça?

À court terme — 36 heures —, on a une efficacité de 85 %, ce qui est quand même très bon. Mais celui qui reçoit l’information fait aussi partie de l’équation. Si j’annonce 30% de probabilités d’averses, et qu’un gars met sa chemise à 200$ sur la corde à linge et que la pluie la «scrappe», il va trouver que ma prévision était pas bonne.

À MétéoMédia, on privilégie un discours positif pour inciter les gens à sortir dehors.

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D’ailleurs, c’est pas un peu négatif de parler de 30% de pluie? Pourquoi pas dire 70%? De soleil?

La pire prévision qu’un météorologue puisse faire, c’est d’annoncer du soleil pis d’avoir de la pluie. Si je prévois des averses et qu’il fait beau, c’est moins intense. Ceux qui vont réagir, ce sont ceux qui ont des intérêts économiques en jeu: les propriétaires de cascades d’eau, de terrains de golf…

Quand même, à MétéoMédia, on privilégie un discours positif pour inciter les gens à sortir dehors. C’est un petit biais, mais c’est mieux que d’être trop alarmiste. C’est un piège facile, en météo, de toujours annoncer la tempête du siècle.

Mon grand-père qui peut prédire la météo avec ses genoux, tu en penses quoi?

Regarde, moi, je crache absolument pas sur ça. La météo ne m’appartient pas, et tout le monde a le droit de s’essayer. Sauf que la météo, c’est un phénomène planétaire. Une tempête qui arrive au Québec a pris naissance du côté de l’océan Pacifique et a traversé le continent. Alors faut qu’on regarde plus loin que les genoux de ton grand-père.

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Bon, et si tu nous faisais une prévision? Quelle sorte de printemps on va avoir?

On peut pas dire qu’on a eu des printemps merveilleux au cours des dernières années, mais là, je suis quand même confiant. C’est une saison de transition, avec une série de rendez-vous. Quand est-ce que la neige au sol disparaît? Quand est-ce qu’on a notre premier 15°C? On devrait rencontrer les rendez-vous dans les dates escomptées, cette année.

On se reparle à la fin du printemps pour vérifier?

Ben oui. Tu pourras me clouer au pilori.

Consultez notre entrevue avec un autre porte-parole de Dame Nature, Pascal Yacouvakis, par ICI!

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