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Le combat de l’amour : Montréal/Rive-Sud

Correspondance entre Antoine Desjardins-Cauchon et Kathleen Allard

Par
Antoine Desjardins-Cauchon
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L’idée m’est venue en jasant avec la chef contenu web d’URBANIA, Amélie Grenier, parce qu’à chaque vendredi quand je jase avec elle, je suis toujours en déplacement vers la Rive-Sud… parce que ma blonde habite là-bas. Et moi je suis à Montréal. Depuis toujours. Pis que veux, veux pas, va falloir décider éventuellement où s’installer si on veut vivre ensemble. La voiture ou le métro? La banlieue ou la grande ville? Non, il ne s’agit pas de la prémisse d’un numéro d’humour de François Massicotte au Grand Rire bleu de 2002. Échange épistolaire amoureux là où il fait plus bon vivre…

***

Antoine Desjardins-Cauchon : 8 février, 20h55

Chère mon amour,

J’espère que tu vas bien? Si je t’écris aujourd’hui c’est pour faire suite à la discussion qu’on a eue récemment: notre cohabitation future. Évidemment, tu sais que j’habite dans le quartier Rosemont à Montréal et toi, tu vis à St-Basile-le-Grand sur la Rive-Sud. I know, ce n’est pas ta faute.

On est trop jeune pour utiliser l’expression «avoir beaucoup d’espace».

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Un des deux devra donc accepter de traverser le Pont pour changer de code postal. Et il me semble assez clair que ça devrait être toi. Voici pourquoi: tu as 30 ans cette année, moi je soufflerai bientôt mes 27 bougies… on n’est pas prêt à se caser en banlieue avec une cour qui nous donne «beaucoup d’espace». On s’en sacre d’avoir «beaucoup d’espace», on est trop jeune pour utiliser cette expression-là. On est encore à l’âge de revenir paquetés et À PIED d’une soirée dans une microbrasserie indépendante qui sert des entrées sur des plaquettes de bois. Et ça, ça se trouve dans Rosemont.

Très hâte d’aller me promener avec toi les samedis matin sur la Promenade Masson !
Love you.

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Kathleen Allard : 9 février 2016, 14h17

Bonjour mon chaton,

Disons que j’allais bien jusqu’à ce que je lise ton courriel. Je suis un peu irritée pour différentes raisons. Tout d’abord, on va régler quelque chose tout de suite, j’ai 29 ans. Est-ce que je peux rester dans la vingtaine jusqu’au jour 364, s’il vous plaît? Merci.

Pour toi, «prendre de l’air», c’est payer 20$ pour une heure au Jardin Botanique.

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Ensuite, tu ne sembles pas m’avoir écoutée, as usual. Ce ne sera malheureusement pas pour Rosemont que je ferai mon changement d’adresse, car je garde la mienne! Je n’arrive pas à comprendre comment «avoir beaucoup d’espace» arriverait à être overrated quand toi, «prendre de l’air», c’est payer 20$ pour une heure au Jardin Botanique.

Je trouve qu’il n’y a rien de plus romantique que de marcher 15 minutes vers la montagne en haut de ma rue, pendant que le rôti de porc que je t’ai cuisiné mijote. T’sais la recette que tu aimes tant avec les légumes locaux du marché qu’il y a à côté de chez moi, pas les poivrons à 14$ de l’épicerie fine au coin de ta rue là!

On va être si bien ensemble le samedi matin, à se faire réveiller par le soleil, et non par tes voisins un peu trop excités.

Je t’aime.

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Antoine Desjardins-Cauchon : 9 février, 21h02

Ma très chère puce,

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Tu parles de la montagne au bout de ta rue à 15 minutes à pied… veux-tu savoir ce qu’il y a à 15 minutes à pied, aussi de chez toi? Le premier dépanneur.
Pis ça adonne que si j’ai une envie spontanée à 22h55 de m’enfiler un sac de pop-corn au cheddar, je n’ai pas envie que ça me prenne une demie-heure aller-retour. J’veux y aller en pantoufles, pas «attacher mes souliers comme il faut» avant.

Dans Rosemont, tu ne peux pas faire 20 pas sans tomber sur un dépanneur. Dépanneur dans lequel, des fois, si t’es chanceux, tu peux trouver des samossas. Ou des rouleaux impériaux. Ou des pâtés jamaïcains. À Montréal, tu peux dîner chaud d’in déps. Et exotique. Chaud et exotique. C’pas rien.

Quand sur le même tronçon de rue, tu peux trouver un restaurant de soupes tonkinoises, une pizzéria 24h, un marché de noix en vrac certifié zéro déchet pis un dep qui vend des souvlakis pas chers…et que ce tronçon de rue là est à 45 secondes de chez toi…tu touches un peu au bonheur, j’pense.

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En tk, j’men vais au dep, t’as-tu besoin de quetchose? Tacos? Cassoulet…?

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Kathleen Allard : 11 février, 10h39

Salut mon p’tit gummy !

Ouf, ton courriel me fait un peu peur. Je crois sincèrement que le 15 minutes de marche vers la montagne en plus de celle vers le dépanneur te feraient le plus grand bien. Si je me fie aux habitudes des Montréalais mentionnées plus haut, il est évident que ta volonté de vouloir faire le moins de pas possible mélangée aux samossas risque de contribuer à faire grossir tes seins d’homme.

L’activité physique, c’est bon pour la santé, bébé. St-Basile serait parfait pour nos ventres plats et notre cardio d’enfer!

D’ailleurs, en parlant de toucher au bonheur, savais-tu que nous avions aussi un café-épicerie en vrac zéro déchet à St-Basile? Et ce qui est encore plus cool, c’est que les gens de ma ville sont tellement détendus et chaleureux (clairement à cause de la verdure aux 2 pouces carrés et de l’absence de trafic urbain) qu’ils t’appellent par ton nom et se rappellent de ta dernière commande. Non, mais, le nirvana, j’te jure.

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Bref, j’te prendrais ben un mac’n’cheese à ton dep, s’il vous plaît. Tu ne devrais pas avoir de problème à trouver ça, right?

Je t’aime!

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Antoine Desjardins-Cauchon : 12 février, 13h40

Ma douce lapine,

L’idée en vivant à Montréal n’est pas de bouger le moins possible, mais bien d’avoir le choix. Tant de choix. Au mètre carré. Tsé c’est le fun avoir 11 différentes sortes d’arbres dans la cour arrière, mais un Amir, c’pas pire aussi.

Tu sais que juste dans Rosemont, il y a presque une dizaine de bars qui présentent des soirées d’humour? En plus de petites salles de spectacles chaleureuses et sympathiques où aller voir des shows de musique. À St-Basile, si on veut se divertir, faut prendre l’auto 20 minutes et se rendre au Quartier Dix-30 et s’asseoir dans une salle de 400 places. C’est moins intime et spontané, mettons.

L’offre culturelle est bouillonnante à Montréal et il y a une limite aux séries disponibles sur Netflix.

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Pis les shows présentés, c’est Claudine Mercier ou Mario Tessier. Deux personnes qui ne savent même pas s’ils font de l’humour, de la chanson ou juste des malaises.

L’offre culturelle est plus bouillonnante à Montréal, ma puce et c’est à considérer puisqu’il y a une limite aux séries disponibles sur Netflix. Déjà que j’endure le générique de Gilmore Girls quatre fois par jour.

As-tu hâte d’aller voir Matt Hulobowski en spectacle? Tsé les billets que je t’ai achetés à Drummondville parce que c’était la ville la plus proche à 45 minutes de char?

Love

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Kathleen Allard : 12 février 2017, 22H31

Bon.

Je comprends le concept que tu es un artiste-auteur en humour en soif de nouveaux gags et d’inspiration, mais il n’y a pas juste le divertissement humoristique et les bars dans la vie. À un moment donné, il faut devenir adulte. Même le Radioloundge et le Fuzzy de Brossard ont fermé leur porte il y a un bout, juste pour te dire.

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On pense déménager ensemble, partager notre quotidien. Ça implique aussi qu’il va falloir faire le deuil d’une coupe soirées tapas pour préparer nos lunchs du lendemain (d’ailleurs, on a besoin de nouveaux tupperwares, pas tes vieux pots d’humus halal recyclé).

Ok, on fait un deal. Si tu déménages sur la rive-sud, non seulement je mets les génériques de Gilmore Girls sur mute, mais je te promets de trouver de la diversité. R’garde. Juste de même, j’t’offre un avant-midi de surf intérieur (Oasis Surf de Brossard) un après-midi de trampoline en salle (Complexe Isaute sur le Boulevard Taschereau), une soirée-cinéma avec du mousseux et des churros (Cinéma VIP du Quartier Dix-30)… est-ce que j’continue? Ça fait-tu assez d’activités diversifiées ça mon loup?

Come on!

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Antoine Desjardins-Cauchon : 14 février, 8h31

Ma très tendre,

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Bon ben… au final, on n’a pas réussi à trouver un terrain d’entente. Le clivage est immense. Tu n’es pas prête à laisser tes espaces verts et j’ai de la misère à concevoir ma vie sans un bar à shisha à proximité. Va falloir couper la poire en deux. Peu importe qu’elle ait été achetée au Marché Jean-Talon ou au IGA St-Bruno.

C’est-tu possible, tu penses, de se bâtir un semi-détaché SUR le pont Jacques-Cartier?

Joyeuse St-Valentin!

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