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Comme beaucoup de petites québécoises de ma génération, j’ai expérimenté le baptême, la première communion et la confirmation avant ma puberté. Mais depuis lors, j’ai peut-être dû songer au christianisme 2 ou 3 fois. Sauf en fait toutes les années où j’ai fêté Noël (donc 22), ou Pâques (ok ça peut-être plus 16). Pis peut-être aussi les fois où j’ai clamé mon désir de rentrer chez les nonnes, fatiguée du cycle masculin (genre 106 fois). Ah et surtout toutes les fois où j’ai sacré (200 fois au carré).
En y repensant bien, le christianisme fait tout de même partie de mon quotidien et du vôtre sûrement, sans que cela eût été volontaire.
Un dimanche matin dans un rassemblement chrétien baptiste évangélique (protestant) au Mile-End.
Le vingtenaire québécois moyen a beau rejeter sporadiquement sa religion native, comment se fait-il que tant de gens dans le monde (2,5 milliards plus précisément) ressentent intrinsèquement cet appel?
Mais surtout, y a-t-il beaucoup de jeunes montréalais qui consacrent leur quotidien à l’adoration de Dieu?
Pour répondre à ma question, je me suis rendue, par un dimanche matin, à un rassemblement chrétien baptiste évangélique (protestant) au Mile-End. Je ne savais pas ce que j’allais y trouver, mais j’espérais y rencontrer des gens qui chevauchent la génération Y ou Z pour tenter de démystifier leur mode de pensée et leurs limites quotidiennes à contourner les circuits dictés par la bible.
Sans vouloir être cute, je dois avouer qu’à l’entrée j’ai été frappée par la lumière qui émanait de l’enceinte, des yeux et des sourires. Il y avait même du café et du chocolat, et certains avaient même enlevé leurs souliers. #casual
Les discours sur la naissance de Moïse restaient un peu pesants pour mon athéisme.
Je me suis donc installée en plein milieu d’un banc de l’église, dépourvue de bible, mais équipée d’une bonne bouteille d’eau. Question de compenser pour l’angoisse.
Le pasteur (Brad, de son prénom) était charismatique, mais les discours sur la naissance de Moïse restaient un peu pesants pour mon athéisme. En revanche, les chants religieux avaient réussi à dégoter des mélodies vraiment accrocheuses. Et les voix qui m’entouraient rafraîchissaient le gazon artificiel étrangement posé dans l’allée centrale.
Ces jolies voix, c’était des enfants et leurs jeunes parents, des gens plus âgés, mais surtout des jeunes filles entre 20 et 25 ans, des universitaires sûrement, avec des vêtements que j’aurais pu porter et qui semblaient ouverts sur le monde.
«Je me lève le matin et je parle à Dieu, ça me recentre.»
Dialoguer avec celles qui dialoguent avec Lui
Une fois la messe terminée, je me suis immiscée dans leur rangée pour tenter d’avancer un dialogue égalitaire sur leur mode de pensée. Je me suis alors retrouvée entourée de 5 bouches souriantes et heureuses de partager avec moi que cette foi qui les habite, c’est un dialogue avec Dieu qui les accompagne au quotidien.
«Je me lève le matin et je parle à Dieu, ça me recentre. Je n’ai pas d’heure fixe pour prier, mais je peux le faire en tout temps, en marchant ou même dans le bus», m’explique Sara-Danielle, 22 ans, étudiante en musique.
«Au-delà de l’impuissance du quotidien, du stress et de l’anxiété, je sais qu’il y a toujours quelqu’un qui m’écoute, et c’est ça qui devient vraiment tangible», poursuit Monica, 24 ans.
Il y a justement Jessica, 23 ans, dont l’appel de Dieu s‘est révélé être la solution salvatrice à ses problèmes d’anxiété au début de l’âge adulte. «Tout le monde est fait pour adorer », me dit-elle. Ses yeux sont verts, perçants, imbibés d’espoir et de conviction, et ses parents athées questionnent encore ses choix religieux.
Pendant ce temps, moi qui dialoguais avec mon athéisme
«La foi, c’est le contraire de l’autosuffisance. Tu n’es pas assez pour te suffire à toi même».
À date, leur discours était assez cohérent avec ma vision de la religion, sauf que pour ma part, j’ai toujours eu en tête que cette structure était une illusion, et qu’on avait installé cette rigidité de façon forcée à travers les époques pour éloigner l’anxiété de façon factice.
Et moi qui caractérise l’essence de l’être humain par son animalité, son autosuffisance et son inconscient, certaines oraisons m’écartaient brusquement de mon confort et faisaient crisper mes schèmes de pensée:
«La foi, c’est le contraire de l’autosuffisance. Tu n’es pas assez pour te suffire à toi même. Peu importe ce que tu accomplis dans la vie, tu es trop petit face à Dieu pour être autosuffisant», poursuit Sara-Danielle.
Chasteté, synonyme de clarté
Au cours de mon interrogatoire, une question dans mon esprit était plus prévalente que les autres: ces jeunes filles ont-elles des relations sexuelles?
La réponse : NON.
«Dieu veut qu’on soit en relation avec la clarté et les relations sexuelles peuvent aveugler», dit Jessica avec douceur.
«Ça serait impossible pour moi que mon copain ne soit pas chrétien. Notre relation n’est pas basée sur l’intimité physique, mais bien sûr l’intimité spirituelle, et c’est cela qui nous rend solides» révèle Monica.
C’est probablement la réflexion que j’ai trouvée la plus logique. Et même si je sais que Dieu ne me laisserait jamais redevenir chaste, peut être que d’écarter la séduction de notre vie n’est pas une si mauvaise idée. Nos humeurs lascives contemporaines nous écartent-elles de l’essentiel?
«On respecte toutes les autres religions, le seul moyen d’avoir notre Salut, c’est notre relation avec Dieu».
Ouverture sur le monde
Et qu’en est-il des autres religions? Comment cohabiter avec tant de nationalités quand on est chrétien à Montréal?
«On respecte toutes les autres religions, on a des amis musulmans, ou même athées, mais le seul moyen d’avoir notre Salut, c’est notre relation avec Dieu», me dit Lauriane, 22 ans, discrète et souriante.
Hélène, 25 ans (dont je jalousais la grâce de son piercing au nez), a été très limpide: «Il y a beaucoup d’emprunts du christianisme dans les autres religions, et Jésus a été clair que c’était le lui chemin.»
Ce que le pasteur Brad Morrice tente de clarifier, c’est que la science n’est pas incompatible avec le christianisme: «L’erreur des modernes est de séparer la raison de la foi. Dans la raison il y a la foi, et dans la foi il y a la raison».
Brad Morrice, un pasteur hipster de 34 ans, au sens de l’humour inattendu.
«Dieu se manifeste à nous par des indices, et certaines choses dans le Big Bang sont peu explicables par la science. Dieu orchestre tout», m’avaient justement dit plus tôt les jeunes filles.
Brad est ce que j’ose appeler un pasteur hipster. À 34 ans, il porte fièrement la barbe et lorsqu’il mène la messe avec un humour inattendu, il est entouré de sa magnifique femme et de ses 3 enfants. «Moi je suis ici pour prendre l’argent des gens et c’est tout», dit-il avec le plus grand sarcasme. «Non pour vrai, j’ai l’équivalent d’une maîtrise en théologie et je suis ici pour que les gens qui sont insatisfaits de leur vie trouvent en Dieu le feeling qui leur manquait.»
Et c’est Frédéric, un jeune homme de 21 ans à la prestance impressionnante, qui semble avoir trouvé ce feeling à 17 ans lorsque Dieu s’est manifesté en lui. «J’avais tellement une belle vie, une jolie copine, des bons amis, des bourses scolaires, que je me suis dit qu’il devait y avoir quelque chose derrière tout cela. Et faire entrer Dieu dans ma vie m’assurait une sécurité et un bonheur que je n’aurais pas pu trouver ailleurs.»
Malgré ces paroles r évélatrices, il reste que pour moi et pour plusieurs, la structure évangélique est un désir collectif de suivre un ordre établi, et l’adoration de Dieu me rappelle un peu les fondements d’un retour vers l’enfance.
Mais au fond…l’enfance n’est-elle justement pas une période riche en amour et en épanouissement?
Qui sait. Peut-être que tout l’amour abstrait que j’ai à donner et que je ne sais pas où mettre, c’est dans un être spirituel qu’il réside.
Pour lire un autre texte de Maude Carmel : « Comment passer à travers le Drynuary à Montréal ».
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