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J’ai étudié à Valleyfield, j’ai magasiné, travaillé à Valleyfield, j’ai frenché les mains moites dans le parking de la marina. Mais je vais mettre les choses au clair : je ne suis pas l’une des 40 000 personnes qui y habitent. Je suis Coteauloise, de Les Coteaux, à sept minutes en char. Survol d’une ville d’adoption par une « fille de l’autre bord du pont ».

1. Avec trois L
Les habitants de Salaberry-de-Valleyfield sont des Campivallensiens. Même si Antidote et Word n’y comprennent rien. Et quand on est un Campi, on se fait lutter par un char et on vient de ValleyfiLLL, avec trois L. Pas de Salaberry-de.

2. Le Quartier Nord
Ça fait déjà bien longtemps que la Montreal Cotton a troqué le textile contre les chambres d’hôtel. Gildan a aussi plié bagage, il y a quelques années, peu de temps avant que merde!, la multinationale Goodyear ne décide de licencier quelque 800 employés.

Des exemples comme ça, il y en a pas mal (trop). Résultat? Il ne reste que bien peu de choses de ce qui était l’une des plus importantes villes industrielles du pays, vers 1875. Bien peu de choses de cette médaille de bronze, au Québec, dans la catégorie « on a l’électricité ».

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Aujourd’hui, Valleyfield tâche encore à se réinventer. Et bien que son passé pas si lointain semble tout sauf reluisant, elle s’acharne à fredonner C’est le début d’un temps nouveau. Et à organiser, dans son Quartier Nord, des visites guidées.

3. Une île, une ville
Entourée d’eau, la vallée des champs a un immense potentiel touristique : une marina de près de 500 places classée 4 ancres d’or, un paisible canal, le Parc des îles de Saint-Timothée. Par ricochet, un Campivallensien qui se respecte a toujours un ami ou un beau-frère qui drive, un peu saoul, un bateau ou un Sea-Doo.

4. Woh les moteurs
À Valleyfield, on aime ça, les moteurs. Harley-Davidson à volonté, Tire de tracteurs, 15 ans de Super Motocross… Et depuis 1895, grâce aux compétitions motonautiques, la ville a réussi à allier son caractère insulaire et sa passion pour le gaz.

Les fameuses Régates de Valleyfield fêtaient cette année leur 73e anniversaire. Des hydroplanes qui coursent parfois à plus de 150 km/h, 100 000 $ en bourses, des grues pour mettre tout ça dans la baie Saint-François, des spectacles d’Éric Lapointe. Année après année. On dira ce qu’on voudra, mais les Régates, c’est une tradition. Une tradition pendant laquelle la Ville change de visage. Elle est en chest, bronzée, gonflée par l’alcool. Et quand elle se sent en forme, elle arbore fièrement le combo bikini Budweiser-chapeau de cowboy. Corona, de surcroît.

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5. Les grillades
Oui, il y a les impressionnants hot-dogs 12 pouces du casse-croûte Le Géant. Mais les grillades, ça reste le summum de la gastronomie locale. Tantôt en sandwich, tantôt on the side, les Campis comme les visiteurs dégustent durant les chaudes journées d’été ce bacon assaisonné format « encore plus gros, encore plus gras ».

6. La tournée des bars
Une bonne grillade, c’est aussi une façon « saine » d’amorcer la tournée des bars. La règle est simple : un bar, une consommation. Au total, sans compter ceux qui sont un peu trop loin pour être visités à pied, on dénombre près de 20 points d’arrêt sur l’itinéraire des plus courageux. (De toute façon, ça ne sert à rien d’en ajouter. C’est rare que le post-Pub Champlain soit clair.) Coup de cœur pour le bar du centre d’achat et pour les black light du Luxembourg.

D’ailleurs, si vous tentez l’expérience, forcez un coup pour le mardi. Si tout va bien, pendant que vous dégusterez le fameux bloody ceasar du Château Balmoral, la fille du karaoké devrait vous pousser un hit de Shania Twain. Man, I feel like a woman.

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7. 115 ans de bière froide
Le Grand Trunk est le paradis de la bière froide depuis 1895. Pas de la Coors là, la vraie. Selon Yvan, qui y travaille depuis 25 ans, c’est le dernier bar au Québec qui refroidit sa draft à l’eau froide. « Je te la sers à 37, 38 degrés », qu’il précise. C’est pour ça que le Grand Trunk se taille une place dans le top 10 à lui seul. Dans ce petit endroit à la déco bleu poudre, juste à côté de la voie ferrée, les salières sur les tables côtoient les photos en sépia. Un concentré d’histoire. Et si vous oubliez à qui vous piquez une jasette, il vous donnera sans doute son truc : « C’est facile, Yvan d’la bière! »

8. L’ââârt
Les juges des écoles supérieures de théâtre en voient beaucoup passer, des Campis. L’ancien séminaire qui nous sert de cégep est en effet devenu, avec le temps, le quartier général socioculturel et artistique de la région. Le cœur des arts de la scène.

Le Collège, c’est notamment le tournoi provincial d’improvisation intercollégial Le TIERS, 15 ans de Fêtes internationales du théâtre et la pièce-emblème Memory, jouée plus de cent fois. C’est aussi la Salle Albert-Dumouchel, qui accueille à longueur d’année les Patrick Watson comme les Patrick Norman et les Patrick Huard, nous rappelant chaque fois à quel point on a une “salle faite sur le long”.

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Autrement, la culture a du mal à se tailler une place dans la Ville. Faut dire que les shows math-punk ne semblent pas plaire aux joueurs de balle molle, accoudés au bar de la Brasserie Olympique.

9. Se sentir à Boston
En plus de l’équipe de balle, on trouve parmi la dominante faune collégiale de la BO une forte proportion de fans des Bruins. D’ailleurs, juste à côté on a ouvert cette année la boutique 66 Bruins au 87 rue du Marché. Au printemps, le propriétaire a organisé un défilé pour la Coupe. Y’avait 250 partisans. On était encerclés.

10. Les personnages
Il ne faut pas s’y promener longtemps pour réaliser que Valleyfield regorge de personnages. Il y a Léo, celui qui a un « rrrenard Denis, c’t’un rrrrnard » sur la tête. Et Suzanne, qui vient d’ailleurs tout juste de changer sa couleur de cheveux. On inclura sans doute Réjean Brière et son succès En manque de ‘tits bisous dans cette catégorie, tout comme l’équipe de hockey junior AAA. Et leurs groupies.

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Mention spéciale à l’affiche pas piquée des vers de la Poutine Olympique, où notre Jean-Luc Brassard national effectue une split-en-ski au-dessus d’une pout’. C’était leur façon à eux de le féliciter pour sa médaille d’or en 1994.

Clin d’œil aussi au petit Seattle mené par David Dugas-Dion et son étiquette lo-fi Cuchabata Records. On y retrouve l’hymne de Maxos Le Gervoïde, Valleyfield me déteste. « Au Festival équestre, je mets même plus mon chapeau, aux Régates je suis pas en chest, pas de bronzage, pas d’abdos… Même mon bar m’a dompé, laisse-moi donc mon juke-box renvoie ton estie de DJ… »