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En ce mois du célibat sur URBANIA.ca, on a demandé à l’auteure Alexandra Larochelle de nous offrir les réflexions de son personnage Frédégonde Hautcoeur aka la-fille-aux-1001-histoires-à-l’eau-de-cactus. L’amour, ça reste un sujet intarissable : ça amoche, ça rend tout croche, mais est-ce qu’il reste de l’espoir?
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Vous vous tripez dessus. C’est beau, c’est l’fun, c’est parfait. T’as l’impression que tu pourras jamais avoir assez de lui dans ta vie, dans ton lit, pis même dans ta tête. Des fois, t’aurais quasiment le goût de rentrer à l’intérieur de lui, de te construire un nid pis de rester là tout le temps, pis même ça, ce serait pas une fusion suffisante à ton goût. Tu voles haut, ma chum. Je le sais, je t’ai croisée dans le ciel, quand je vivais la même affaire avec Christo.
C’est le fun, voir le monde en tout p’tit, du haut de ton nuage d’amour.
C’était la première fois que ça t’arrivait, hein? Moi aussi. On sait pas trop comment gérer ça, dans ce temps-là. On pense qu’on peut laisser ses papillons donner des coups d’aile vers le haut à l’infini, jusqu’à temps que le vrai monde soit juste un souvenir flou.
« Je t’aime à l’infini jusqu’à temps que ça fasse bang ! » Je disais ça à mes parents, quand j’étais petite, quand j’étais la seule à comprendre la logique et la grandeur irréfutable de cette affirmation-là. Parce que dans ma tête de gamine, l’infini, ça existait pas. C’était juste un chiffre vraiment grand qui représentait l’univers, pis si on montait dans le ciel pour aller explorer l’infinité de l’univers, éventuellement, on allait finir par se péter la tête au plafond. Bang ! Pour moi, le bang était la plus grande preuve d’amour du monde. Parce que ça voulait dire que t’avais pris le temps de traverser tout l’infini pour quelqu’un.
Fait que j’ai fait le saut, quand j’ai réalisé que le plafond était crissement plus bas que ce que je m’imaginais. Que l’infini, ça se finit pas mal plus raide que ce qu’y m’ont appris à l’école. C’est quoi la bullshit qu’y t’a sortie, à toi? C’est pas toi, c’est moi? Je te mérite pas? Je fais ça pour ton bien?
Qu’est-ce ça change, anyway? Ta vie est finie. Aussi finie que l’infini de marde auquel tu croyais. Tes papillons ont pu d’ailes, arrachées et broyées dans le blender avec deux-trois morceaux de ton cœur en prime. Been there, done that, ma chum. L’espace de deux jours, deux semaines, deux mois (mais sûrement pas deux ans si tu suis mes conseils à venir) ta vie est finie pour de vrai. C’est pas juste une impression, c’est un fait. T’es dans une dimension parallèle où la Terre tourne pu et où la reine se nomme Taylor Swift. Pis même elle se fout de ta gueule, parce qu’au moins, elle, elle le savait qu’y était un paquet de trouble quand y est entré.
Si je peux me permettre, j’ai quelques conseils pour toi, pour t’aider à déserter cette monarchie du cœur fragmenté :
- Mange de la crème à glace. Beaucoup de crème à glace. Parce qu’en plus de t’engourdir le dedans, ça va te faire grossir, pis ça c’est parfait quand tu trouves ton lit trop grand toute seule.
- Une dizaine de fois par jour, prends de longues pauses pour fixer ton téléphone. Si tu vois pas le nom de l’amour de ta vie apparaître sur l’afficheur, c’est que tu l’as pas regardé assez longtemps.
- Couche-toi sur le dos pis fixe le plafond en soupirant. En plus de te donner un air d’héroïne de film très con, si tu y crois fort-fort, ça incitera peut-être le plafond à te tomber dessus, pis des fois, la lourdeur est le meilleur remède contre la lourdeur.
- Écoute votre chanson sur repeat. Toutes les nuits, sans interruption. Quand elle aura fini de te faire brailler, change de toune. De toute façon, en peine d’amour, toutes les tounes étaient votre toune.
- Consacre toute l’énergie qu’il pourrait rester de tes longues nuits de sanglotante insomnie à détester les hommes. Tous. Parce qu’après tout, chacun d’entre eux détient une part de responsabilité dans ce qui t’arrive. Les salauds.
- Mais tandis que tu gardes en tête qu’ils sont tous cons, essaie d’attirer leur attention par tous les moyens. Inscris-toi sur Tinder. French dans les bars. Brûle les planches du dancefloor, les bras dans les airs en criant des woohoo bien sentis quand le moment te semble opportun, en focusant bien ton nouvel objectif : séduire tous les hommes de la terre. Crois-moi, fille, t’es prête à gérer ce tsunami d’amour sincère.
- Cuve ta soirée de la veille devant Titanic, pis ris aux éclats à la fin, parce que dans le fond, Rose, c’est vrai qu’elle l’a quand même un peu mérité.
- Trouve-toi un rebound, pis dompe-le la semaine d’après. C’est pas lui, c’est toi. Tu le mérites pas. Tu fais ça pour son bien.
Fais tout ça, ma chum, dans l’ordre, dans le désordre, autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que tu te rendes compte que c’est con, que ça sert à rien, pis qu’y a ben juste le temps (pis quelques soirées de bitchage avec tes amies, OK, t’as le droit) qui va mettre du tape double-face sur les morceaux de ton cœur dans le blender, sur les ailes de tes papillons à moignons.
Parce qu’un bon moment donné, le caissier du dépanneur va peut-être te sourire en te rendant ton change, pis ça va te ressusciter deux-trois papillons que tu pensais morts. Pis si jamais tu retournes t’acheter une 2e pinte de lait le lendemain juste pour y revoir l’exhibition dentaire, tu pourras te dire que t’as le plafond de l’infini qui a probablement commencé à remonter, que la Terre va peut-être ben se remettre à tourner pis que Taylor Swift peut ben rester la reine du cœur brisé, t’as pas encore réussi à la détrôner.
Lâche pas, ma chum. Ça va ben aller.
Frédégonde
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Alexandra Larochelle raconte les histoires de son héroïne Frédégonde dans les livres : Des papillons pis de la gravité et Des papillons pis du grand cinéma, publié aux Éditions Libre Expression. Pour tous les détails, c’est par ICI!