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Papa, c’est quoi ĂȘtre queer?

Par
Stéphane Morneau
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Parce que tes oreilles Ă  toi aussi ont entendu ces mots dans les derniĂšres semaines, queer + CƓur de Pirate, et lĂ , tu m’as demandé 

C’est quoi ĂȘtre queer?

Tu n’es pas la seule qui se pose la question. Tout le monde au QuĂ©bec s’est posĂ© la question, mĂȘme ceux qui n’osaient pas admettre leur ignorance de cette spĂ©cificitĂ© dans l’identitĂ© de genre ou de sexe.

Bien humblement, je ne sais pas trop comment rĂ©pondre Ă  la question, parce qu’elle couvre trop large et je n’ai pas le dĂ©but d’une idĂ©e de ce que vivent les personnes qui se posent ces questions identitaires. Plusieurs Ă©taient malheureusement pas mal moins humbles que moi et au lieu d’attendre une rĂ©ponse claire Ă  une question relativement nouvelle, ils ont prĂ©fĂ©rĂ© faire du bruit, comme d’habitude, en disant des Ăąneries. C’est pourquoi j’aimerais t’offrir ma rĂ©ponse. Elle est peut-ĂȘtre maladroite, ou fausse, mais elle vient avec beaucoup d’ouverture.

«Mais papa, c’est quoi ĂȘtre queer?»

IdĂ©alement, je crois qu’ĂȘtre queer c’est ton droit d’ĂȘtre ce que tu veux ĂȘtre, avec qui tu veux ĂȘtre, comme tu aurais envie d’ĂȘtre.

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Pour la dĂ©finition, c’est le choix de ne pas s’associer Ă  la dĂ©finition binaire des genres et de l’orientation. Être flexible, fluide, non conforme dans le moule “un papa et une maman font l’amour, se marient et font beaucoup de bĂ©bĂ©s”.

Ça rejette beaucoup de choses, dit comme ça, mais je prĂ©fĂšre penser que ça inclut tout ce que tu veux. Un refus des Ă©tiquettes pour t’identifier comme un Ă©lectron libre, une personne unique, un ĂȘtre Ă  part entiĂšre et non le produit des attentes des autres.

«Mais papa, pourquoi ĂȘtre queer?»

Pourquoi pas je te dirais. Pourquoi pas se donner le luxe de tout vivre, tout ressentir. Pourquoi pas s’offrir des options. Inversement, ĂȘtre queer c’est aussi ton droit de ne pas l’ĂȘtre si tu ne le sens pas au fond de toi. Du moins, j’ose le croire.

C’est quoi ĂȘtre queer?

Je n’ai pas la prĂ©tention de le savoir, de le ressentir ou de le vivre.

Tu sais ma fille, ton pĂšre a la simplicitĂ© d’ĂȘtre confortable dans une dĂ©finition binaire du genre et de l’identitĂ© sexuelle. Je me dĂ©finis comme un homme et je recherche l’approbation et la compagnie des femmes. Rien de plus normal, de plus banal, de plus convenu. Je n’ai jamais ressenti le besoin de me retrouver ailleurs que dans ce qui s’offrait naturellement Ă  moi. La normalitĂ©, ce qui Ă©tait attendu de moi, rĂ©pondait Ă  mes besoins et Ă  mes envies.

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Sauf que ma banalitĂ© ne sera pas forcĂ©ment la tienne ou celle de tes amis/es. Être queer, c’est un chemin pavĂ© que tu pourrais emprunter si l’envie te prend. Si la banalitĂ© de ton pĂšre n’est pas une option, le coming-out de CƓur de Pirate te montre qu’il y en a d’autres options et le droit de choisir est l’hĂ©ritage que je voudrais t’offrir.

«Oui, mais papa, c’est quoi ĂȘtre normal?»

C’est quelque chose qu’on devrait de moins en moins utiliser ma fille, parce que les normes sociales sont trop souvent Ă  la racine mĂȘme du problĂšme. Les dĂ©monstrations d’intolĂ©rance se nourrissent de ce qui est “normal” pour rejeter ce qui dĂ©tonne. Et l’intolĂ©rance, elle peut ratisser trĂšs large. Sexe, couleur, race, religion — tout est un bon prĂ©texte pour ne pas s’ouvrir aux autres. Ici, les gens font exception des choix amoureux d’une chanteuse populaire, mais il y aura autre chose Ă  un autre moment, c’est garanti.

Dans la bouche des mauvaises personnes, “queer” est une insulte. Mais dans les oreilles des gens qui choisissent de choisir au lieu de subir, “queer” est un poids de moins sur les Ă©paules.

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«Mais papa, pourquoi on doit choisir?»

C’est ça qui est beau ma fille, choisir peut devenir optionnel quand les attentes des autres prennent moins d’importance dans ta vie.

Je vois l’incomprĂ©hension dans ton regard et je comprends.

TrĂšs tĂŽt dans ta vie, des choix se sont imposĂ©s Ă  toi. La couleur de tes vĂȘtements, le choix de tes jouets, des activitĂ©s auxquelles tu participes, des groupes d’amis, etc. Ici, les choix deviennent des normes. Tu apprends la vie dans un moule formĂ© par des normes qui sont de moins en moins adaptĂ©es Ă  notre rĂ©alitĂ©.

Pour l’instant, c’est comme ça. Peut-ĂȘtre que ce sera diffĂ©rent plus tard pour toi et tes enfants. En fait, je l’espĂšre, parce que notre façon d’instaurer des normes est forcĂ©ment imparfaite si elle produit autant d’intolĂ©rance.

«Mais papa, c’est quoi ĂȘtre queer alors?»

C’est ĂȘtre, comme dans “je suis” sans rien ajouter aprĂšs.

Je suis – tout simplement.

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La beautĂ© d’ĂȘtre sans Ă©tiquette, c’est que tu ne t’imposes plus rien. Si lundi tu veux ĂȘtre une chose, tu peux, et rien ne t’empĂȘche d’ĂȘtre autre chose mardi.

Je suis, tu es, nous sommes.

Si tu peux t’enlever le poids des Ă©tiquettes ma fille, je n’aurais pas tout ratĂ© en rĂ©pondant Ă  tes interrogations – mĂȘme si parfois je suis moi-mĂȘme dans l’erreur avec mes prĂ©conceptions des choses, des gens et de leurs parcours.

Être – c’est tout ce qui devrait compter.