Logo

Ville de la semaine : Saint-Félicien

Saint-Félicien est une magnifique petite ville traversée par une rivière qui pourrait être un fleuve, aux abords d’un lac qui pourrait être une mer.

Par
Olivier Bradette
Publicité

J’ai vécu les 17 premières années de ma vie à Saint-Félicien, où habitent un peu plus de 10 000 personnes, à l’ouest du lac Saint-Jean. Je me demande à quel moment dans ma vie je passerai autant de temps dans une même municipalité. Veut veut pas, on s’attache à cette place-là! Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Saint-Félicien reçoit l’honneur de la ville de la semaine. La plupart de ses incontournables sont très bien décrits dans cet article!

J’ai donc plongé dans mes souvenirs et la mémoire collective félicinoise pour rendre hommage à ma ville natale (en la taquinant un peu des fois).

Awouèye à’ maison

J’habite Montréal, cette merveilleuse île attirant des gens de partout au Québec et du monde entier. Je fais effectivement partie des nombreux habitants de région siphonnés dans ce vortex qui a en son centre un nid-de-poule de la rue Notre-Dame. J’adore la métropole, mais c’est toujours un plaisir de revenir dans mon patelin natal, une fois de temps en temps.

Publicité

Je finis toujours par croiser des parents d’amis à l’épicerie, une connaissance de longue date à la Chouape (meilleure microbrasserie du Lac), ou mes mononcs au Midas après leur run d’autobus jaune. Chaque fois que je conduis sur le boulevard Sacré-Cœur, je tourne la tête sans arrêt pour voir quelle face je reconnaîtrais bien, au risque d’avoir un accident (avec quelqu’un que je connais évidemment peut-être).

Publicité

La rivière Ashuapmushuan et la marina de Saint-Félicien – Olivier Bradette

“Tu viens de Saint-Félicien? Ah, ils t’ont laissé sortir de ta cage?”

Très exactement! Sans le savoir, les gens de l’extérieur faisant des gags de zoo sur nos origines visent dans le mille : au Zoo Sauvage, dans les Sentiers de la nature, l’humain est en cage et les animaux de la boréalie sont en liberté! Pas pour rien que l’institution soit l’une des 10 meilleures au monde!

Saint-Félicien, oui, c’est la ville du Zoo sauvage de Saint-Félicien… et de Gaston Lepage! Le très habile pilote d’hélicoptère a d’ailleurs été la voix du petit train du Zoo pendant plusieurs années! Pour ceux qui ne voudraient surtout pas manquer Gaston dans les sentiers de la nature, prenez note que les guides lui donnent sa collation quotidienne à 13 h 30, tout de suite après celle des macaques japonais.

Le Grand Feu de 1870 et les bleuets – Un accident félicinois

Publicité

L’honorable Denis Lebel n’est pas la seule petite chose bleue qui fasse honneur au Lac à l’international. Il y a aussi bien évidemment le bleuet : notre or bleu, notre emblème fruité, notre délicieuse fierté!

C’est surtout suite au Grand Feu de mai 1870, où la région a été dévastée jusqu’à La Baie, que le bleuet a foisonné. Cette petite merveille prolifère comme du chiendent dans les forêts autrefois ravagées par les flammes! Le printemps avait été vraiment clément cette année-là, et les colons avaient pu avancer le défrichage du territoire régional. Au milieu du mois de mai, plusieurs journées caniculaires se sont suivies, rendant le bois sec comme un fonctionnaire austère. Le brasier infernal a pris naissance le 18 mai 1870 à Saint-Félicien, près de la rivière à l’Ours, sur la terre des Savard, mes ancêtres du côté maternel!

Les braves bûcherons ont brûlé leurs abattis de bois, mais un grand vent s’est levé peu après et leur a fait perdre le contrôle de leur petit feu, qui s’est rapidement propagé. La pluie de la nuit suivante n’a pas suffi à le calmer et, pour empirer les choses, des orages ont envenimé la fournaise. En 24 heures, l’incendie s’est répandu comme une traînée de poudre sur 150 km jusqu’à l’autre bout de la région, à la baie des Ha! Ha! En fait, j’ignore même si une traînée de poudre, ça va aussi vite que ça. C’est littéralement un tsunami orange flamme qui s’est répandu sur la plus grande partie du Saguenay-Lac-Saint-Jean et qui a pris tout le monde par surprise (phénomène qui s’est curieusement reproduit en octobre 2011).

Publicité

Illustration du Grand Feu tirée du Canadian Illustrated News (juin 1870)

L’incendie a fait quelques morts et jeté plusieurs centaines de personnes “au chemin de gravelle” (la rue de l’époque). Un chroniqueur du Quotidien a d’ailleurs dressé un parallèle intéressant entre le Grand Feu et les récents incendies de forêt à Fort McMurray. Malgré les pertes terribles, on récolte encore aujourd’hui des tonnes de bleuets des plus savoureux!

150 tours, pas de drapeau jaune

Ça, c’est le principe de base de la course la plus folle du fameux autodrome de Saint-Félicien : l’Enfer! Des dizaines d’amateurs de sensations fortes, de taule froissée et de vieux bazous se jettent dans une arène où tout est permis. Chaque coureur personnalise sa minoune et tente de survivre le plus longtemps possible. Rallier l’arrivée représente presque un miracle!

Publicité

Savez-vous qui détient le record du tour le plus rapide du circuit routier de 2 km? Nulle autre que le légendaire Gilles Villeneuve! Le 13 août 1977, la Formule Atlantique est débarquée à Saint-Fé, et Gilles l’a emporté en enregistrant du même coup le tour le plus rapide de l’histoire de l’autodrome (38,914 s). Ma mère, qui vendait de la bière aux bonshommes du rang Double au bar, a tout vu, la chanceuse!

Petit gars, j’ai le vague souvenir d’avoir assisté à un spectacle de Big Foot à l’autodrome pendant lequel un gigantesque robot avait fait exploser une boîte qui, symboliquement, contenait nos pires cauchemars. Il me semble aussi que Mitsou avait fait une apparition spéciale pendant la soirée. Elle avait paradé le long des estrades à l’arrière d’un quatre-roues… “Hey, on a des Monster Trucks, pis un robot psychologue… on pourrait inviter Mitsou! Si on est chanceux, a va peut-être vouloir chanter Bye bye, mon cowboy.

Publicité

Les ponts de Saint-Félicien et l’Ashuapmushuan : une relation houleuse

L’impressionnante rivière Ashuapmushuan est un véritable joyau. En Innu, son nom signifie “Là où l’on guette l’orignal”. Cependant, de nos jours, les seuls “bucks” qu’on aperçoit en bordure de la rivière sont ceux qu’on savoure à la Chouape!

La rivière Ashuapmushuan se jette dans le lac Saint-Jean – Olivier Bradette

Un premier pont couvert a été construit à la hauteur des chutes à Michel en 1894 pour permettre aux habitants des deux rives de la ville de voyager plus facilement. Ce dernier a brûlé en 1908. Depuis ce temps-là, des générations de jeunes Félicinois ont illégalement perpétué la mémoire du pont Taillon en se faisant des feux un peu partout dans les sous-bois bordant les chutes.

Publicité

En 1909, le pont Carbonneau, couvert lui aussi, a remplacé le premier. Sauf que l’Ashuapmushuan n’est pas facile à vivre au printemps. Les glaces ont partiellement arraché le pont en 1928, sans toutefois l’emporter. C’est le dimanche 26 avril 1942 que Saint-Félicien a été coupée en deux. Une grande partie de la paroisse était rassemblée à la grand-messe du dimanche.

À la sortie de la cérémonie, pendant que ça “se jasait ça su’l parvis de l’église”, un grand fracas a fait sursauter les ouailles : le pont, cassé en morceaux, partait à la dérive. Heureusement, la messe a sauvé beaucoup d’usagers du pont d’une bonne frousse. Sauf ma grand-mère Alice. Elle était en train de traverser le pont à pied quand elle a remarqué quelque chose de louche : elle ne voyait plus de l’autre côté des 1 100 pieds (335 mètres) de la rivière, tellement le bois était en train de plier! Prise de panique, elle a couru à toute vitesse vers la rive la plus proche, échappant sa sacoche dans son élan. Plusieurs jours plus tard, alors que les habitants de la rive s’affairaient à ramasser les débris du pont, un homme a retrouvé un objet intrigant : une sacoche! En regardant à l’intérieur, le bon samaritain a pu identifier sa propriétaire et la lui remettre. L’histoire ne le dit pas, mais à mon avis, grand-m’man Alice a dû lui préparer une chaudronnée de sa délicieuse soupe aux légumes pour le remercier.

Les gens de Saint-Félicien sont généreux, vaillants et ont le cœur à la bonne place. Leur petite ville est pleine d’histoires. Allez donc y faire un tour!

Publicité

Ils vous accueilleront chaleureusement, même si vous faites simple. Ah, tant qu’à être là, goûtez donc à la formidable tourtière du lac Saint-Jean! Pas les petits pâtés à la viande, là, la vraie tourtière!

***

Pour lire un autre reportage Ville de la semaine : Caraquet