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Capitale de l’Acadie autoproclamée (au grand dam des gens de Tracadie!), Caraquet est un village situé au cœur de la Péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick. Constitué essentiellement d’une longue rue qui longe le littoral de la baie des Chaleurs, Caraquet est un sérieux prétendant au titre du plus long village du monde.
À l’un des bouts, on retrouve le quai, où les crabiers et autres bateaux de pêche s’agglutinent magnifiquement aux côtés des quelques bateaux de plaisance. Odeurs de poisson et de kérosène s’y mélangent, incommodant ostensiblement les odorats délicats. Le quai a été l’un des lieux de tournage de la défunte série Belle-Baie de Radio-Canada, avec notamment Pascale Bussières qui, Dieu merci, n’essayait pas d’imiter l’accent acadien, contrairement à plusieurs acteurs québécois qui se sont essayés jadis et se sont royalement cassé la figure.
Essayez pas, vous ne pouvez pas l’imiter cet accent-là!
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Hallo honkey tonkey!
Juste à côté du quai se trouve le Carrefour de la mer, lieu culturel et touristique composé d’une salle de spectacle, d’un terrain de jeux, d’un mini-golf (où l’égo de mon mari italien en a pris pour son rhume plus d’une fois), d’une boutique de souvenirs faits d’artéfacts marins de goût douteux, de quelques restaurants et d’une magnifique promenade où l’on admire de splendides couchers de soleil sur la mer tout en se faisant manger allègrement par les maringouins.
L’endroit est le lieu de multiples événements culturels allant du Gala de la chanson de Caraquet, aux spectacles à grand déploiement et aux chanteurs à voix, en passant par le show du mythique groupe 1755, qui roule sa bosse depuis les années 70, avec de truculentes paroles de chanson du style “Salut C.B. Buddie, hallo honkey tonkey, Chu tired de m’ouère promener sur les high-way!” À tout coup les spectateurs chantent à tue-tête, entre deux gorgées de bière ou de l’infâme Rev, une sorte de boisson bleu fluo à base de vodka très populaire dans la région et semblant sortir tout droit du film The Matrix.
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Des secrets bien gardés : la guedille et le shortcake
Côté gastronomie, Caraquet se distingue par un restaurant très populaire, le Mitchan sushi (où contrairement à Montréal tu peux être sûr à 100% que le poisson est frais), le joyeux café/pâtisserie/librairie/salle de spectacle Grains de folie, le trop cher bar à vin “déjà BU!”, le restaurant familial Le Crapet et la fromagerie Les Blancs d’Arcadie.
Par contre, les gens du coin sauront que la meilleure guedille aux homards, c’est pas à la Homard mobile que tu la trouves, malgré la joliesse du foodtruck qui te la vend. C’est au restaurant Maribel que ladite guedille sera la mieux garnie de gros morceaux de homard bien juteux, avec juste la bonne quantité de mayonnaise. Mais le plat que tu dois ABSOLUMENT essayer si tu passes par Caraquet, c’est le shortcake aux petites fraises des champs du Dixie Lee. Que tu prennes du poulet frit ou pas, que tu achètes les pantoufles tricotées à la main en vente à côté de la caisse ou pas, CE N’EST PAS IMPORTANT. IL FAUT essayer ce divin mélange de mini fraises sucrées déposé sur un biscuit anglais avec de la crème fouettée. Quand je mange ce dessert, je revois ma regrettée grand-mère (qu’on appelait affectueusement Mémère Basque), revenir du champ avec sa cueillette de petites fraises, ramassées méticuleusement malgré ses doigts rendus noueux à cause de l’arthrite. C’est pas mêlant, je suis émue comme le critique culinaire qui revoit son enfance en prenant sa bouchée dans le film Ratatouille.
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Mystérieuse circulation à trois voies et trafic de pèlerinage
Puisque le village est constitué essentiellement d’une rue principale et de quelques petites rues secondaires, le trafic peut être assez intense, ce que l’on a tenté d’atténuer en construisant une étrange troisième voie du milieu que l’on est sensé utiliser pour tourner à droite ou à gauche. Cette voie au fonctionnement un peu obscur pour tout touriste qui s’y aventure se retrouve tout à fait inutile lors d’événements spéciaux qui attirent les foules et paralysent complètement la circulation dans la ville.
Deux événements annuels à vocations opposées n’y manquent jamais : les feux d’artifice au Carrefour de la mer et le pèlerinage de Sainte-Anne-du-Bocage. Haut lieu de rassemblement pour tous les baby-boomers catholiques du coin et d’ailleurs, cette chapelle a été dédiée à Sainte-Anne par les survivants d’un naufrage survenu au large de Caraquet le 22 juillet 1857 au cours duquel cinquante-six personnes périrent. Comme le pèlerinage est précédé d’une neuvaine (elles sont tough en maudit ces petites personnes âgées là!), tu es mieux de prendre ton mal en patience si tu veux traverser le village pendant cette période, puisqu’il n’y a pratiquement aucune voie de contournement.
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Des beignes, du billard et des potins
En ce qui a trait au divertissement, Caraquet offre des lieux variés tels que le Dooly’s, où l’on retrouve quasiment plus de machines à sous que de tables de billard, ainsi que le Tim Horton’s, pratiquement plein à toute heure du jour puisqu’une bonne partie de la communauté s’y rassemble pour échanger potins et blagues grivoises (true story!). Il y a aussi La Chaloupe, discothèque au nom inspirant (encore heureux que ce ne soit pas La Charrue ou Le Hummer) ouverte alternativement pour les adultes et les 14-18 ans, ainsi que le pub St-Joseph, chaîne gaspésienne ayant étendu ses pénates jusqu’à l’autre côté de la baie.
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Vestiges anciens et actuels
Côté architectural, la grande et majestueuse église curieusement placée sur le côté et non face à la rue principale accompagne les vestiges du vieux couvent, passé au feu il y a plusieurs années et dont on a préservé les murs pour qu’ils servent de décor à des expositions d’art et des pièces de théâtre en plein air. Il y a aussi une maison qui tombe littéralement en morceaux avec son balcon à l’équilibre précaire, ainsi que le remarquable hôtel Paulin, érigé en 1891 et gardé d’époque. L’endroit est tenu par le moustachu Gérard Paulin, très sympathique malgré son air un peu bourru.
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Le tintamarre
À Caraquet les maisons colorées affichent fièrement les noms de famille acadiens des occupants ainsi que des décorations aux couleurs du drapeau acadien (le drapeau français bleu, blanc, rouge avec une étoile jaune dans la partie bleue). Il faut savoir que Caraquet est le lieu du grand “tintamarre”, qui a lieu tous les ans le 15 août, jour de la fête des Acadiens. Costumes extravagants et trompettes assourdissantes y côtoient cloches à vache et casseroles dans un joyeux vacarme festif.
L’idée est de faire du bruit pendant une heure pour célébrer la survie d’un peuple descendant des Français marqué par la déportation par les Anglais en 1755 (d’où le nom du groupe de musique dont je te parlais au début!). Cet événement a bien failli constituer le génocide de la culture et d’un peuple de paysans pacifiques qui ne voulaient rien savoir des guerres coloniales de l’époque. Ça fait que si tu es de passage à Caraquet un 15 août, fais-la aller ta cloche à vache, frappe-la ta casserole avec ta cuillère en bois, les Acadiens seront très contents que tu sois présent avec eux pour signifier à la face du monde : “On est encore là, et on est fiers!”
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Pour lire un autre reportage Ville de la semaine : Tracadie