.jpg)
“En mars, je ferai du sirop d’érable, et fin avril, je vais semer mon potager!” C’est ainsi que Marc Séguin a terminé l’énumération des projets qu’il mènera de front en 2016, après avoir mentionné la sortie de son tout premier film et des expositions à travers le monde. Qu’importe le médium choisi, l’artiste raconte comme peu savent le faire. On lui a donc donné les rênes de sa propre entrevue. Son mandat? Compléter nos phrases.
TEXTE Marc Séguin PHOTO Martin Girard
Je suis né… homme blanc d’Amérique, avec toutes les charges de pouvoir et de culpabilité que ça comporte. Un matin de printemps frette, une femme a eu des crampes au ventre et, d’une minute à l’autre, elle est devenue mère pour toute une vie. Je n’ai pas été allaité, c’était loin d’être une mode. Mais je ne crois pas que ça explique mon obsession pour les yeux et les seins.
Ma famille m’a… obligé à croire à quelque chose. Même à rien. Par défaut. Parce que d’un coup, tous les codes avaient sauté. Même sauvage, on a besoin d’une meute, ou de son idée.
À l’école, j’ai compris… la violence juste et belle des cellules. Celle qui, à notre insu, nous dessine et qu’on voudrait tant nommer. Les petits gars d’un bord, et les petites filles de l’autre. Et tout cet espace, au centre, qui nous attire.
Quand la vie est simple, on dit : survie. Des coups de poing sur la gueule à la récré, ou des mots chuchotés. Déjà. Pour toute la suite, on se pollue. On confond les identités et les rêves, on préfère mentir aux sentiments, et il nous arrive de sourire. Et tout ça, ça devient des souvenirs qu’on dépose dans des écrins. Et déjà, ça nous résume. L’école a été un grand murmure de suites.
L’art… C’est tout ce qui reste quand ça explose. C’est aussi une intention. Pour s’identifier. Tentative qui échoue autant que le vent devant le silence. C’est aussi une beauté sans nom qui peut réussir à nous expliquer quand on se défie. La seule preuve que les mots ne sont pas nécessaires. Hier, j’ai croisé le regard d’une personne; on n’a rien dit, mais je suis convaincu qu’on pensait exactement la même chose. Il faut trouver une manière de les dire, ces coïncidences.
Et par une mécanique naturelle, on a l’art qu’on mérite.
Avant-hier, dans un avion, j’ai réalisé… que l’amour est un sentiment qui ressemble à une maladie mentale. Belle. Assumée. Nécessaire. J’ignore pourquoi j’aime cette femme. Et je ne veux pas comprendre. Et je ne cherche pas à l’expliquer. Comme le présent d’ailleurs. Et je suis écoeuré qu’elle demande toujours si je l’aime et pourquoi. Épuisé de chercher la réponse qui, enfin, pourrait l’étouffer juste avant qu’elle ne demande encore. JE T’AIME, criss. C’est pas assez, hein? Puis les roues ont touché le sol, et l’agente de bord, avec bienveillance, nous a dit l’heure de la ville où on était. Je ne me dis pas assez souvent combien la vie est bien faite. Et je continuerai de lui dire.
Mon premier film… est une histoire d’amour et de vengeance. Sur la nécessité d’une justice. Loin de celles, civile et criminelle, qui voudraient tant nous expliquer, nous excuser. Fuck la paix.
On a trois millénaires de passé et d’histoire qui nous racontent le contraire.
Quand je pense à mon parcours… Je me dis que rien n’est fait. Faut juste dompter le présent. J’aimerais ça éteindre mes feux, mais j’aime trop quand ça brûle.
J’aimerais ça ralentir, mais j’ai peur d’arriver en retard.
.jpg)