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Les odeurs de notre enfance

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J’ai toujours trouvé les odeurs particulièrement émouvantes. En une étincelle de secondes, elles nous transportent dans nos beaux et même nos mauvais souvenirs. Les odeurs font partie de nous, de nos traditions familiales, de notre culture.

Pour un Québécois, l’odeur de la peau en rentrant de dehors l’hiver ça rappelle les forts qu’on bâtissait pendant des heures pour imiter la Guerre des Tuques.

Pour moi, c’est la crème solaire Coppertone que je continue à porter pour les souvenirs d’été qu’elle me rappelle. Il y a l’odeur du chlore des piscines intérieures où je faisais de la nage synchronisée en rêvant d’être la future Sylvie Fréchette. Celle du sapin de Noël qui symbolisait le plus beau temps de l’année. Et, surtout, celle de la chemise de mon père pharmacien qui rentrait le soir à la maison en sentant cette odeur indescriptible de médicaments et de produits aseptisants. Quand j’ai quitté ma ville natale pour venir étudier à Montréal, j’ai passé plusieurs heures de dîner au Jean Coutu juste pour me réconforter.

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La chimie des souvenirs

Toutes les stimulations sensorielles peuvent provoquer des souvenirs. Une belle image, une musique… Mais selon les études, les souvenirs évoqués par les odeurs sont celles qui sont les plus fortes en émotions. C’est tellement fort qu’on peut ne pas reconnaître l’odeur, ni même la remarquer et se retrouver immédiatement plongé dans un souvenir.

Pour mieux comprendre le phénomène, je me suis entretenue avec le Professeur Johannes Frasnelli, titulaire de la Chaire de recherche en neuroanatomie chimiosensorielle à l’Université du Québec à Trois-Rivières et grand spécialiste des odeurs.

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“C’est en regardant l’anatomie du cerveau qu’on comprend pourquoi le lien entre une odeur et un souvenir est aussi fort et aussi direct. La région qui est responsable du traitement des odeurs est la même que celle de la mémoire et de l’émotion. Il s’agit du système limbique.”

Il explique aussi que les femmes sont généralement plus sensibles aux odeurs que les hommes parce que, malgré le fait qu’on les célèbre et qu’on a fait beaucoup de chemin, traditionnellement ce sont elles qui se sont occupées de faire la cuisine, qui ont veillé au ménage et à l’hygiène des enfants.

Et pourquoi les souvenirs d’odorat sont aussi souvent reliés à la nourriture? “Parce que la première perception quand on mange, c’est ce que ça sent et non pas ce que ça goûte”, explique le Dr Frasnelli. “Au moment d’ingérer les aliments, on expose l’odorat d’abord. Et l’enfance, c’est le moment où on apprend à manger et on découvre les goûts et les odeurs.”

Notre vox-pop scientifique

Nous avons demandé à quelques personnes qui se trouvaient près des bureaux d’URBANIA quelle était l’odeur qui leur rappelait leur enfance. Voici les réponses.

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“Pour moi, l’odeur qui me rappelle mon enfance c’est celle des patates bouillies. J’ai grandi en Autriche et j’étais très proche de ma grand-mère qui cuisinait des patates bouillies tous les jours. “

— Johannes Frasnelli, spécialiste de l’odorat

“Le pain grillé du Pacini. Et le camphre parce que mes parents un peu hippies m’en mettaient dans mon oreiller l’hiver quand j’étais enrhumée. “

— Une recherchiste qui court maintenant les bars à pain avec son fils

“Les poupées. Tsé le mélange d’odeur de plastique et de parfum chimique sucré.”

— Lili Boisvert, animatrice de Sexplora

“La gomme balloune qui venait avec les cartes de hockey. Ah! Pis tous les bonbons en fait! Moi j’étais fou des bonbons.”

— Un livreur de pains qui s’en va probablement au dépanneur pour vérifier si les bonbons à une cenne existent encore

“Oh! Moi c’était l’odeur du bran de scie. Mon père et mon grand-père travaillaient dans une usine.”

— Une vieille dame nostalgique

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“L’autre jour, je parlais à un ami qui fumait en buvant un verre et j’ai réalisé que c’était vraiment l’odeur qui me rappelait mon père. L’alcool et la cigarette.”

— Stagiaire qui adore faire des sorties “père-fif” comme il les appelle

“La soupe. Ça me fait penser aux potages que me faisait ma grand-mère.”

— Une fille qui mange sa salade en rêvassant

“Je ne sais pas pourquoi parce que je n’ai pas bu ça depuis que j’avais huit ans, mais le jus congelé McCain aux fruits des champs. On mettait la canne de jus et on ajoutait de l’eau… Je sais pas si ça existe encore!?”

— Un beau gars qui regardait son téléphone

“L’odeur du printemps. Quand tu savais que ça s’en venait.”

— Une édimestre heureuse qu’on soit en mars

“Le sous-sol humide en terre de chez ma grand-mère. C’était une vieille maison avec une cave pas finie.”

— Une assistante à la réalisation rousse et flamboyante

“L’odeur des vieux livres en carton pour enfants.”

— Un sympathique gestionnaire d’immeuble

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“Les biscuits Pirate au beurre d’arachide. Avec du lait… même si le lait, ça ne sent pas grand-chose.”

— Un monteur à qui j’ai dit que le lait, ça sentait un peu la bave et qui semblait dégoûté

“Le varech… L’odeur d’algues du bord de mer dans le bas du fleuve quand j’allais passer des étés chez ma grand-mère.”

— Une productrice qui m’a appris un nouveau mot

“Les bonnes tartes de ma grand-mère.”

— Une caissière à l’épicerie qui m’a donné le goût de la tarte aux pommes

“Aucune… Il n’y en a aucune.”

— Un monsieur triste

“C’est cliché, mais le café. Je suis Colombienne et j’ai commencé à en boire à deux ou trois ans. Mon père en préparait à tous les matins à 5h et c’est l’odeur qui me réveillait. Ça voulait dire que c’était le temps de se préparer pour aller à l’école.”

— Une fille qui m’a fait voyager pendant quelques instants

***

Pour lire un autre texte de Catherine Lalonde : “L’ex folle, c’était moi”

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