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Pour en finir avec les préliminaires

Par
Lili Boisvert
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Quand j’étais jeune, dans les années 1990-2000, j’écoutais les sexologues à la télévision dans les émissions olé olé de l’époque. Avec avidité, je me renseignais sur le sexe et j’apprenais qu’une relation sexuelle était divisée en deux étapes. D’abord, il y avait les préliminaires, puis il y avait la pénétration. C’était ça le déroulement optimal d’une relation sexuelle. Apparemment.

Les préliminaires, c’étaient de petits gestes qui servaient à exciter, comme les baisers, les caresses, le sexe oral, etc. Apparemment.

J’apprenais qu’il y avait un temps recommandé de préliminaires à faire pour pouvoir passer à la pénétration, qui elle-même devait durer un certain nombre de minutes pour atteindre l’orgasme. Je me familiarisais aussi avec le personnage navrant de l’éjaculateur précoce, cet homme qui n’arrivait pas à tenir le temps requis de va-et-vient pour permettre l’orgasme de sa partenaire. Apparemment.

On me mettait aussi au parfum du fait que les préliminaires exaspéraient certains hommes, qui préféraient passer rapidement à l’acte sacré de la pénétration. Apparemment.

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Aujourd’hui, quand j’entends ou que le lis le mot “préliminaires”, je cherche le mur le plus proche et je me cogne fort la tête dessus trois ou quatre fois.

J’ai horreur du concept des préliminaires.

Pourquoi? Parce que cette notion établit une hiérarchie entre les actes sexuels. C’est l’idée qu’il y a des gestes qui “précèdent” ce qui “compte vraiment”. Les préliminaires sont la mise-en-bouche avant le plat principal qu’est la pénétration, présentée comme la voie privilégiée vers l’orgasme.

Je pense que ceci est en fait le canevas judéo-chrétien de la relation sexuelle, qui suppose que le sexe n’est acceptable que s’il permet, en théorie, la procréation. Donc il faudrait absolument respecter les étapes de ce rituel pour simuler qu’on en train de concevoir un petit bébé.

C’est ce modèle “préliminaire + pénétration” qui fait que quand on me demande combien de partenaires sexuels j’ai eus, je ne sais jamais quoi répondre.

Est-ce que je compte uniquement ceux avec qui j’ai “fait de la pénétration”? Parce que ce nombre ne correspond pas à celui des gars avec qui j’ai eu des orgasmes ou avec celui des gars avec qui j’ai eu des pratiques sexuelles parapénétratives (préliminaires) hyper jouissives.

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Je pense aussi que c’est ce modèle qui fait qu’un pourcentage pas du tout négligeable de mes ex-partenaires croyait que si je n’avais pas eu d’orgasme pendant la pénétration, qu’il n’y avait plus rien à faire, que c’était fini…

Il est grand temps d’abandonner ce modèle de relations préparamétrées selon lequel “préliminaires + pénétration = orgasme”.

Surtout quand on sait que pour de nombreux homosexuel(les), la pénétration n’est pas une priorité, ou quand on sait que ce n’est pas un moyen efficace d’atteindre l’orgasme… pour l’écrasante majorité des femmes hétérosexuelles! (Selon les études, entre 75 % et 93 % des femmes rapportent que l’acte pénétratif en tant que tel ne les mène généralement pas au grand spasme).

Tenant compte de ces deux facteurs, c’est plutôt hypocrite de présenter la pénétration comme la voie ultime à suivre pour tous pour jouir et de reléguer tout le reste au rang de préliminaires.

Si on n’est pas en train d’essayer, concrètement, de faire un petit bébé, je ne vois tout simplement pas pourquoi ce serait, par défaut, le modèle à suivre à tout prix.

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La pénétration, c’est cool.

Mais vous savez ce qui est très cool aussi? Le frôlement. Le frottement. Le baiser. Le dryhumping. Le lèchement. Le chatouillement. Les vibrations. Le mordillement. La succion. Etc.

Tous les chemins peuvent mener à l’orgasme, et vous savez quoi? On peut tous les prendre dans le désordre.