J’pense que le seul temps dans l’histoire où il n’y a pas eu de souper de filles c’est à l’époque où Ève était seule avec Adam. Le souper était ordinaire, Adam avait les yeux rivés sur une feuille de peuplier en silence et c’est là qu’Ève a croqué dans la pomme pour mettre de l’ambiance.
J’aime les soupers de filles.
Juge-moi si le cœur t’en dit, mais un souper entre filles c’est comme lire sur la boîte d’un vibrateur batteries included, c’est du plaisir instantané. Ce qui m’embête, c’est quand recevoir à souper devient un faire-valoir. Un commerce sur deux pattes. Le beau centre de table, la belle vaisselle, la recette du chef à la mode, la napkin cool, la chandelle qui sent bon… Une façon d’impressionner les convives plus que de les réunir.
J’ai mis une croix sur la pression capitaliste l’an dernier. Depuis, j’invite mes amies à partager un spaghat-apportez-votre-vin, sur la nappe de la semaine et je sors même un gâteau McCain avec les cafés Amarula. À mes yeux, c’est pas le souper qui compte, ce sont les filles, les conversations, les rires.
Espionner un souper de filles c’est l’équivalent de suivre une game de football quand tu connais pas les règlements. C’est pas clair.
— Vous savez pas quoi! Marie s’est séparée.
— HEN?
— Oui oui, ç’a l’air que son chum a couché avec Julie.
— PAS JULIE?…
— Non pas Julie Julie là, l’autre Julie.
— Julie de l’épicerie?
— NON, Julie eee… crime j’ai oublié son nom de famille.
— AHHHH ouui! Julie eee…
— C’est ça!
— Ayoye…
— Mets-en.
Viennent ensuite les moments de nostalgie où on retrouve notre enfance de cours d’école. Le temps où on trippait à sauter sur un élastique géant.
“1-2-3 Popeye, 4-5-6 Olive, 7-8-9 Brutus.. ENLÈVE TON PIED DE SUR L’ÉLASTIQUE MATHIEU, T’ES CON!
Michel je t’abandonne-donne-donne-donne je ne veux plus te voir-voir-voir… OUCH! Non ça compte pas! MATHIEU VIENT DE TIRER SUR MA BRASSIÈRE.”
Ouain c’était un petit vlimeux Mathieu et brassière, c’t’un gros mot, c’était une demi-camisole avec un élastique qui servait à camoufler/aplatir mes mamelons qui commençaient à peine à se dégêner.
On jase du passé, du futur, d’enfants, de messieurs, de blondes, de nouveaux chums, on montre leurs plus belles photos et celle de l’amoureux avec la trompette de carnaval dans le derrière parce qu’il nous fait rire, ou pas.
Y’a l’amie qu’on brasse, car elle tombe amoureuse d’un gars qu’elle vient juste de rencontrer en lui inventant une personnalité à défaut de le connaître vraiment. Je suis sûre que quelque part, y’a déjà eu une fille pompette dans un souper qui a dit : “Il s’appelle Chris Brown, je me sens spéciale, il dit qu’y’a juste moi qui le comprend quand il parle.” C’est dans ce temps-là que t’as besoin d’une vraie amie qui te dit : “Normal que tu sois la seule à le comprendre, il parle comme si y’avait son casier judiciaire au complet dans gueule. Cours fille cours!”
Y’a l’amie qu’on apaise parce qu’elle se flagelle depuis une semaine simplement parce que son bébé s’est mis le doigt dans une prise de courant. Et ensuite on rit parce que son bébé s’est mis le doigt dans une prise de courant. (Le petit Malik va super bien et en plus, il n’aime plus les prises de courant.)
Y’a l’amie qu’on félicite et dont on est fière parce qu’elle vient d’avoir une promotion et l’autre à qui on donne des mouchoirs et dont on est fière parce qu’elle tient tête à sa boss célibataire sans enfant qui la regarde avec mépris quand elle prend un congé familial pour sa fille malade.
Et surtout, y’a de l’amour.
L’amour des défauts et des qualités de chacune avec une touche de chaleur dans le cœur juste à savoir qu’elles t’aiment tout autant. Et ça, ça bat n’importe quel souper cinq services.
Bon spaghat!
Love, Mel xx
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Pour lire une autre tranche de vie de Mélanie Couture: Je suis devenue la grosse voisine.