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Qui sont les personnes handicapées aux yeux des médias québécois? Trente ans après cette gênante scène de Lance et Compte, est-ce que leur place se résume encore et toujours à celle d’objets de pitié ou d’inspiration? Oui.
Moi aussi, j’ai été fâché par ce discours qui a (un peu étrangement) fait les manchettes la semaine dernière.
Mais comment pensez-vous que s’est construite, dans la tête de cette candidate presque parfaite, l’image de la personne handicapée en un fardeau pour qui la société doit payer?
En est-elle venue à cette conclusion sur la base de visites terrain dans des écoles spécialisées ou des CHSLD? Permettez-moi de douter. Cette fausse représentation du handicap, misérable et vulnérable, n’est pas étrangère au traitement médiatique qu’on lui réserve.
Posez-vous la question : quel portrait du handicap dresse-t-on dans nos téléséries, dans nos journaux, dans nos colonnes éditoriales?
Ce scandale en est l’exemple parfait : après onze semaines de campagne électorale, pendant laquelle Justin Trudeau a pris l’engagement de voter une loi sur l’accessibilité, sujet sur lequel les journalistes sont restés silencieux, le mot “handicap” revient finalement sur le bout de nos lèvres médiatiques.
Était-ce finalement pour dénoncer ce retard que le Canada accumule, en matière d’accessibilité, et qui pourrait être comblé par cette loi historique? Qui pourrait mettre fin à la violence systémique vécue par des milliers de personnes? Ben non.
Nos chroniqueurs et les journalistes étaient fidèles à leur poste, cette fois, pour nous titrer en caractère gras les propos d’une émission de téléréalité.
C’est la place qu’occupe le handicap dans les médias : objets de pitié ou d’émoi, ou au mieux, personnes en détresse à qui il faut porter secours. Les personnes handicapées ne portent ni cause ni enjeux, elles sont réduites par les médias au statut de victimes.
Des ascenseurs, des feux sonores et des débats sous-titrés ne vendent pas assez de papiers. Il doit plutôt être question de chagrins et de drames. Pour que les citoyens, les journalistes et les chroniqueurs puissent dénoncer des propos discriminatoires (et non “douteux”) une fois aux six mois avant de retourner dans leurs pantoufles.
Il ne faut donc pas se surprendre de constater que ce type de discours existe encore, dans la tête de cette participante et de milliers d’autres payeurs de taxes plus discrets. C’est un peu de votre faute, cher univers médiatique. Vous qui utilisez encore des termes inadéquats, imprécis et stigmatisants, comme “handicapé”, pour décrire les citoyens avec différentes limitations.
Vous, également, qui les effacez complètement de vos téléséries, de vos films, de vos voxpops, de vos téléjournaux.
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Vous qui n’avez pas mis à jour votre banque Shutterstock en 10 ans.
La Presse a magnifiquement démontré son incapacité à traiter du handicap. Ce même média qui, il y a deux ans, avait ignoré cette vaste manifestation sur l’accessibilité du métro pour se concentrer sur un dossier spécial sur cette dame qui bouffait un pigeon dans un des wagons.
Pour exemple, son article sur le scandale presque parfait. Aucun intervenant pertinent. Utilisation d’un qualificatif flou et réducteur. Et surtout, la couverture d’un sujet plutôt insignifiant. Leurs journalistes seraient vraiment mieux mis à contribution s’ils parlaient de la loi-cadre que les Québécois et les Canadiens attendent depuis 25 ans.
La Presse souhaite améliorer son traitement médiatique de ces enjeux? Voilà comment faire :
- Écrivez “personnes handicapées”, et non “handicapés”, comme vous diriez “personnes de race noire”. Ça dépasse les 140 caractères de votre Twitter? Dites “citoyens”. Vous n’êtes pas obligé de préciser chaque fois qu’une bonne action a été réalisée par un “handicapé”, elle a bien pu être faite par un simple citoyen.
- Traitez des vraies choses : c’est touchant, un spectateur en fauteuil roulant qui fait du bodysurfing à Osheaga. Mais pendant ce temps-là, des personnes handicapées sont forcées de manger du congelé 12 mois par an à cause des coupes budgétaires.
- Si vous parlez de handicap, discutez avec une personne handicapée ou un spécialiste de ces enjeux. On verrait jamais des panels discuter en long et en large d’une blague sur l’homosexualité ou la religion sans une personne concernée. Mais c’est une tradition que les médias perpétuent bizarrement avec les jokes sur le handicap.
Nous ne sommes pas vos Jimmy. Nous ne sommes pas ici pour vous motiver à remporter vos propres victoires morales. Ni pour vous faire sentir mieux. Nous sommes ici pour gagner nos propres combats.
Comme dirait l’autre… “Passe-moé la puck pis m’a en compter des buts.”