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Mes hommages.
Alors qu’au moment d’écrire ces lignes, j’ignore comment s’est déroulé le récital-coucou de Harper à En Mode Salvail (la formidable chose n’ayant pas encore eu lieu), s’il s’est fendu le fond de culotte, sur les pines dans un enlevant concours de Dance Dance Revolution ou s’il a respiré de l’hélium avant d’entonner le Corridor de Laurence Jalbert, j’applique chaque seconde de ma journée à angoisser du colliwok.
Je m’inquiète non pas des déchirures du siège d’un homme à la pancake capillaire facile, mais plutôt du fait qu’il y a ben de la feuille, devant mon bloc.
SI.
De la feuille d’automne qui se fait aller le péché en souillant mon beau trottoir gris perle qui, selon mon septuagénaire voisin d’en face (un homme de principes et de comb over), se doit d’être dénudé en tout temps. Pas le voisin. Ciel! Sa devanture. De maison.
Depuis une semaine, fenêtre entrouverte, je suis fascinée par son obsessif coup de balai, un balai qui te racle le feuillage à francs coups de paille drue sur le béton gelé pour s’assurer d’un trottoir sur le cuir en tout temps.
N’A PAS VU LE JOUR, FEUILLE QUI VA PASSER PLUS DE CINQ MINUTES DEVANT CHEZEUX.
En fait, dire qu’il sort son balai est un bien grand mot; si ça se trouve, il les attrape en plein vol, avant même qu’elles ne touchent le damné sol. Kein, une feuille, kein, KEIN! Ne manque qu’un tigre blanc et les petites mains de Messmer, et on frôle le Siegfried and Roy de grâce.
Je conçois bien qu’un devant de maison qui sent le Pinesol, ça aide à faire de bonnes nuits. À sombrer dans les bras de morphée en faisant des petits spasmes de pattes, le cœur rosine. Mais pour les feluettes comme moi, habiter en face du Saint-Esprit, ça te sacre l’angoisse du pas-parfait à broil.
Quand je sors de chez moi, le pantalon pas repassé avec ses rebords qui ramassent pour trois poches de feuilles d’érable, de frêne et le sac blanc qui virevoltait au passage (UN POÈME), s’indigne-t-il d’habiter en face d’une maudite sloppée?
C’est qu’elle doit revoler plusieurs fois par jour, sa longue couette blanche, quand il soupire à grands vents dans sa chevelure à la vue de mon imposture automnale.
Bien entendu, nul n’est tenu de se veiller le trottoir. Laisser l’été avoir 15 ans, c’est aussi laisser l’automne boire son petit vin d’Ardoise tranquille. Mais devant la perfection d’autrui, je vacille.
Quand Eugenie Bouchard rate un revers (qu’elle se soit pété la noix sur le prélart ou pas), on la coiffe sans détour du bonnet d’ânesse, de RATÉE, en crachant notre bouchée de croissant, le reste de la viennoiserie ben effouéré dans le petit poing crispé. Je n’entretiens pourtant nulle amourette avec la joueuse de tennis. Ses propos sur l’accent québécois et sa dégaine Paltrow ne m’ont jamais flatté le cuisseau.
Mais cette manie qu’on a de diaboliser l’échec, le creux de vague et le pas-joli, et de ne valoriser que les rubans de satin cramoisi épinglés au paletot et les birdies, ça me coupe le respire.
J’ai envie de pouvoir garder la liberté de roter dans le micro par inadvertance en disant “Bonsoir”, quand je monte sur scène. De publier un très mauvais roman, même si j’y ai mis tout mon cœur. De sortir pas de brassière. D’avoir de la misère à tenir un feu de Bengale sans hurler d’effroi. De servir un pâté chinois correct. De perdre à Que le meilleur gagne dans l’honneur, même si j’ai failli à la très accessible tâche de placer 15 ponts en ordre décroissant de grandeur et que l’émission n’existe plus.
J’ai le goût de pouvoir me tromper, le moment venu de pointer l’épididyme sur un schéma du système reproducteur masculin.
(c’est juste au-dessus de la gosse)
Je ne revendique pas le droit d’être médiocre. Juste celui d’être humaine.
Et de pas haïr ça, les feuilles brunes sur mon devant de bloc.
La bise.
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