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Il y a plus d’un an et demi, la Terre s’est mise à tourner de l’autre bord: j’ai laissé mon chum, avec qui j’étais depuis presque 10 ans, vendu la majorité de mes affaires, fait un mini sac à dos (dans lequel n’entrait même pas une paire de souliers) et je suis partie pour le Paraguay, gougounes aux pieds, en plein mois de janvier, à 31 ans. À l’âge où on fait des bébés, j’ai décidé de sacrer mon camp de notre grand pays.
Expatriée dans mon West
En un an et demi, j’ai vécu une vie paraguayenne, une brésilienne et une argentine. Depuis 7 mois, j’en ai amorcé une nouvelle; celle d’une nomade sur quatre roues. Je vis désormais à travers les routes de l’Amérique, avec mon amoureux Juan, à bord d’un van 85, notre maison. Ces lignes, j’ai commencé à les écrire de La Paz, en Bolivie, et je les termine en Équateur.
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Devant la noirceur de notre époque qui se plait à parler de catastrophes, de crise économique, de violence, d’injustices, d’austérité, et de faim dans le monde, tout en nous bombardant d’images ensanglantées provenant des quatre coins du globe, j’ai décidé de fermer la télé. J’ai pris ma retraite du laid et du sombre.
Je trouve que la vie est belle.
Les humains, mes frères, sont colorés, généreux, drôles. Quand je marche dans un champ de quinoa de l’Altiplano andin, ou quand je me baigne dans des eaux thermales de l’œil de l’Inca à 4000 mètres d’altitude, je le jure: ma terre est fascinante, naturelle, magnifique, malgré ses contradictions.
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Dans ma maison sur roues, je n’ai pas de micro-ondes, ni de frigo électrique, ou de télé. Ma chambre, c’est aussi mon salon, ma cuisine, ma toilette. Oui, c’est petit, mais c’est parfait. Ça me permet d’avoir la cour la plus grande: le monde. Puis, au lieu de vivre à 120 km/h, je vais à 75, parce que de toute façon, c’est la vitesse maximum de notre van, la flamboyante Shila.
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En six mois sur la route, j’ai appris 10 millions de choses.
Je suis convaincue que ça vaut plus que mes 7 ans d’études universitaires.
Je sais désormais que je peux me doucher 90 jours de suite à l’eau froide –même quand il fait 5 degrés dehors. Je connais les impacts du phénomène climatique El Niño, et je les attends depuis la côte pacifique de l’Équateur. Je sais que les baleines à bosse viennent se reproduire ici, au large de Puerto Lopez, et que la plus longue vague au monde à surfer (1,5 km), c’est à Chicama, dans le nord du Pérou, que tu la trouves. Je peux t’assurer que le fruit le plus étrange jamais vu, c’est l’immense pomme de jacque, et que le plus délicieux, c’est la granadilla.
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Maintenant, j’use mon linge à la corde, je cuisine mes pizzas au BBQ, je mange mon spaghetti avec des baguettes chinoises. Entre deux articles, je fais de l’artisanat parce que je trouve que créer quelque chose de mes mains, c’est gratifiant. Des fois plus que tout ce que je peux faire avec ma tête.
Partir du Canada, pour moi, signifie rompre avec tous les concepts et standards qui structurent une manière de vivre qui ne me correspond pas.
En tant que femme de 32 ans, je sens que ma société canadienne, avec son système de performance et de consommation, basée sur une vision comptable de la société, est en train de passer à côté de l’essentiel. Je comprends mes amis qui partent vivre dans des villages pour se reconstruire un monde plus près de la nature, moins matérialiste – j’ai juste décidé d’aller un peu plus loin.
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Je me dirige vers le Mexique, parce que Juan ne peut pas entrer au Canada – non, tout le monde n’a pas la liberté de voyager où il veut. Pas grave. Je pense que le plus important, ce n’est pas la destination finale, mais la route qu’on parcourt. Sur ce chemin-là, tout est possible. C’est seulement quand il n’y a plus d’idées ni d’ambition, qu’on fait comme tout le monde sans plus rien remettre en question, que la vie perd son sens et qu’on devient pauvre. Même Canadien.
Aujourd’hui, ça fait presque deux ans que je n’ai plus d’adresse. Le gouvernement canadien me considère une citoyenne à moitié, une expatriée. Je n’ai plus la carte Soleil, mais j’ai gagné la liberté dont je rêvais, celle de me débarrasser d’un tas de normes pesantes, celle de dépasser chaque jour mes propres limites.
Non, je ne suis pas invincible, mais je refuse que ma vie soit gérée par mes peurs, ou qu’on m’enlève l’une des choses les plus précieuses: le moment présent. Ça fait du bien en crisse de me réveiller le matin et de sentir ça au fond de mes tripes, cet inexplicable état d’être vivante. Cette idée que la journée qui s’amorce est immense et infinie, comme la vie.
Je pense qu’à faire tourner la Terre de l’autre bord, des fois, on fait sortir le meilleur de soi.
Chau!
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