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Depuis que j’ai suivi des cours d’éducation sexuelle
“Quand tu vas faire l’amour, c’est certain que tu vas faire un pet de noune.”
C’est le premier avertissement qu’on m’a donné quant à ma vie sexuelle. Il venait d’une de mes grandes sœurs, dont l’humour est – pour vrai – la plus belle qualité.
Ensuite, il y a eu mon père qui, sachant qu’il allait mourir avant de me voir devenir une femme, m’a donné un paquet de conseils à un âge tout à fait inapproprié. Niveau sexualité, j’ai eu droit à : “Rose, ne t’en fais jamais avec ça. Il n’y a rien de mauvais, on ne peut pas être poche.”
Bref, à mon entrée au secondaire, c’est pas mal tout ce que je savais sur le sexe, hormis ces considérations purement physiologiques : pénis + vagin = bébé ou non. Arriveraient bientôt les films pour adultes brouillés sur Super Écran (quasi poétiques avec leur enchevêtrement de lignes blanches et bleues), les Bleu nuit pendant le gardiennage nocturne et les ridicules conseils du magazine Cosmo, dont – je n’invente rien – : le secret de l’orgasme, c’est de faire l’amour la tête par en-bas. Reste qu’à douze ans, je n’étais encore qu’une naïve jeune fille qui avait très peur de lâcher des fuses avec son entre-jambes.
Existaient heureusement à l’époque des cours de formation personnelle et sociale (FPS), dont certaines heures étaient réservées à l’éducation sexuelle. En secondaire 1, c’est une professeure de français qui s’en chargeait. Elle avait beau ne pas être une professionnelle de la sexualité (à ce que je sache), elle a quand même su être très utile quand un étudiant a levé la main pour demander : “Comment vous faites, les filles, pour vous rentrer des affaires qui se rendent à votre nombril ?” Quand elle a compris qu’il parlait de tampons, elle en a sorti un de sa sacoche et l’a déballé pour lui prouver que ça n’avait rien à voir avec un épi de maïs. La classe toute entière a poussé un soupir de soulagement. On avait enfin une peur en moins.
Elle a organisé un drôle d’exercice sur le baiser, lors duquel elle nous a demandé de lever la main si on pensait puer de la bouche (?). Elle nous a montré des vidéos d’accouchements.
Et elle a comparé l’expulsion d’un bambin par un vagin à l’expulsion d’une orange par une narine. (C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’adopter.)
Quand j’y pense, je ne peux qu’être reconnaissante. Cette femme nous a généreusement offert une introduction à la sexualité. Elle avait pourtant étudié pour nous apprendre la grammaire, non pas la différence entre la chlamydia et la syphilis (je pense que c’est l’odeur du pipi, mais je peux me tromper).
L’histoire s’est répétée en secondaire trois. Cette fois, c’est un magnifique professeur de mathématiques qui donnait le cours de FPS. Tsé, celui que toutes les filles trouvaient beau parce qu’il avait une attitude je-m’en-foutiste et des t-shirts trop courts qui laissaient voir son ventre quand il s’étirait ? Son approche était différente. Il nous a demandé d’écrire de façon anonyme toutes les questions qu’on se posait quant au sexe. À chaque cours, il y répondait au mieux de son savoir. Ça a donné des trucs surréalistes. Il nous a notamment expliqué avec doigts et dessins au tableau comment atteindre le poing G d’une femme. Puis à la question : “est-ce que la sodomie, c’est vraiment l’fun ?”, il a répondu un truc qui incluait les mots “concombre”, “entre”, “les” et “fesses”.
Pour jaser de cul, il n’était probablement pas plus qualifié que le concierge, mais il était franc et direct.
Les tabous se tassaient devant lui. Et c’est probablement ce dont notre gang de jeunes adolescents remplis d’hormones avait besoin.
Cette semaine, c’est la rentrée pour une trâlée d’étudiants. Après une dizaine d’années sans jaser de sexe à l’école, un projet pilote d’éducation sexuelle s’appliquera de façon obligatoire à certains d’entre eux, de la maternelle au cinquième secondaire. Qui va donner ces cours? Ce n’est pas clair. Des psychologues, des infirmières, des professeurs de géo.
Dans tous les cas, du monde volontaire. On dénonce déjà leur manque de formation et l’idée qu’une personne peu qualifiée ait à aborder un sujet si intime, dont les enjeux sont multipliés par les valeurs, les religions et les familles.
Je comprends.
Mais je ne peux m’empêcher de penser que sans les courageux profs de mon secondaire, je n’aurais probablement pas abordé ma sexualité avec autant de confiance et de relatif savoir. J’aurais passé des années à craindre le pet de noune plutôt que le virus du papillome humain. Je me serais rassurée en me disant que “tout est bon”, mais en croyant que “tout”, c’est synonyme de “tout faire pour plaire à votre partenaire”, comme ont tendance à le prétendre les magazines féminins.
Alors de mon côté, j’ai envie de dire : chapeau, les profs! Chapeau et merci.
(Puis ne vous en faites pas avec le manque de qualification. Pour ça, il y aura toujours Doctissimo…)
Depuis que j’ai suivi des cours d’éducation sexuelle…
- J’ai passé quelques années à fantasmer sur mon professeur de math et la notion de point G.
- Je suis convaincue qu’on ne parle pas assez de sexualité féminine. Je vous encourage donc à consulter le site Caresses magiques.
- Je suis vraiment contente de ne pas avoir choisi l’enseignement comme profession.
- Je suis rassurée de savoir que lorsque j’adopterai des enfants, je pourrai laisser l’introduction de notions complexes comme le consentement, la protection, le respect et le fisting à autrui…