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Le 10 août 2014, 19h. Le band Qualité Motel annonce sur Twitter qu’il s’apprête à donner un show gratuit sur l’Esplanade du Stade olympique. Mon copain et moi nous y rendons, sans savoir que le concert est présenté dans le cadre de Unicon 17, grand championnat mondial de monocycle. Sont donc rassemblés sur place des tripeux de vélo à une roue, âgés de 7 à 77 ans, venus de partout sur la planète. Leur dernière journée de compétition vient de se terminer. Ça sent drôle.
Vers les trois-quarts de la prestation, une gang d’adolescents monte spontanément sur le stage. Pendant que plusieurs d’entre eux ouvrent des sacs de chips sel et vinaigre avant de les jeter sur les danseurs en transe, une jeune Indienne d’environ douze ans improvise un solide rap, micro en main. Elle termine son solo par un long cri primal et se pitche dans la foule – pas si compacte – qui, fort heureusement, l’attrape.
Dans un coin, un groupe de Coréens fait une étrange danse en ligne (ça consiste pas mal à faire quatre pas en avant, puis quatre pas en-arrière, sans arrêt). Juste à côté, des adultes allemands enlèvent leurs vêtements en sautant sur place. Ils finissent en bobettes.
On assiste, pour vrai, au show le plus étrange de notre vie. Et on tombe en amour avec le band qui orchestre cet étrange bal.
Ça sort alors qu’on se rend à la maison :
– On devrait inviter Qualité Motel à jouer sur le terrain de ma mère. On rassemblerait les gens qu’on aime, on leur ferait des hot-dogs et on signerait un contrat pour nous obliger à tout séparer 50-50 quand on ne s’aimera plus.
– Ok.
C’était décidé, on allait s’unir civilement. Un truc plein d’amour, mais surtout plein de raison. Une initiative basée sur un souci d’égalité et une envie folle de garrocher un bouquet de fleurs sur du monde habillé propre.
Dans treize jours, si tout se passe bien, j’aurai donc dit “oui, je le veux” à un jeune homme.
Entre l’annonce de notre union et sa véritable célébration, j’aurai entendu un paquet de trucs : du mot d’encouragement au conseil, en passant par l’avertissement et la pure panique. Ce que je remarque surtout, c’est que plusieurs considèrent pouvoir prédire le futur d’une nouvelle mariée. Ils se sentent le devoir de lui expliquer ce qui l’attend, niveau cul et cœur, tels de véritables Jojo Savard des pauvres.
C’est la saison des noces, permettez-moi de vous en dire plus.
Sur le sexe
“Tu vas te marier? C’est du gaspillage de ta ploune.”
Certaines personnes semblent croire qu’à l’instant où on me passera la bague au doigt, on me passera aussi une prison au pubis. Si je me fie aux commentaires relatifs à ma sexualité de future mariée, en disant “oui”, je renierai tout désir, toute autonomie et tout choix quant à ma vie sexuelle. Alors qu’on ne s’inquiétait pas de ma monogamie pré-maritale, on est soudainement ravagé par l’idée – nécessairement vraie – qu’un seul pénis n’aura désormais l’autorisation divine de m’approcher. C’est un réflexe intéressant.
On m’a aussi lancé plusieurs : “Oh, alors il ne te reste que quelques mois pour profiter de ton statut de célibataire… lololol-wink-wink!”
Si j’ai bien compris, se marier, ça rendrait legit le fait de coucher avec plein de monde. En autant que ce soit avant la cérémonie. J’sais pas qui a écrit cette règle-là, mais il aurait dû nous donner un peu plus de détails : quel est le délai respectable? Combien de partenaires devrais-je viser? Dois-je en parler à mon conjoint? C’est quoi le deal, man?
Bref, mon état matrimonial ouvre la porte à un paquet de présomptions quant à l’avenir de mes culottes. Je me demande s’il en serait autant dans une autre situation.
– J’ai une importante nouvelle à vous annoncer. Dans un mois, Jocelyn deviendra officiellement mon conjoint de fait.
– Oh wow! Bouge pas, je m’en vais chercher ma bouteille de Sour Puss, pis un diadème au Ardène : à soir, on te montre des graines pour une dernière fois!
Sur la Relation avec un grand R
“Vous allez voir, il n’y a rien de pire que le mariage pour un couple.”
“Vous vous mariez? Ça veut dire que vous êtes obligés de rester ensemble pour toute la vie.”
Là, la gang, faudrait se brancher. D’un bord, il y a ceux qui nous préviennent qu’en se mariant, on s’apprête à prendre notre amour pis à le crisser au fond d’un puits avec la petite fille folle de The Ring.
De l’autre, il y a ceux qui sortent leur plus beau regard solennel pour nous rappeler qu’en officialisant notre union devant l’État, on s’engage à ne jamais se laisser.
Même si l’autre devient pas fin.
Même s’il devient pas propre.
Même s’il devient allergique à nos cheveux, à notre haleine pis à notre aura.
ENSEMBLE POUR TOUJOURS, disent-ils, les bras au ciel et la voix pleine d’un inexplicable écho.
Est-ce qu’on est en train de creuser la tombe de notre amour ou plutôt de faire un pacte à la vie à la mort, comme des Roméo et Juliette dont les familles de classe moyenne s’entendraient bien? Je l’sais pas. C’est l’avenir qui nous le dira. Certainement pas une couple de personnes savantes / échaudées / high on love / amères.
En attendant, moi, je veux juste manger des hot-dogs devant Qualité Motel. Ça, et aimer une autre personne, dans un cadre qu’on aura défini ensemble. Pas pour toujours. Juste pour aussi longtemps que ça nous tente.
Est-ce qu’il reste du ketchup?
Depuis que je vais me marier…
- J’angoisse quand les gens me disent que c’est une mauvaise idée. J’angoisse quand ils me disent que c’est une trop bonne idée. J’angoisse quand ils me fixent en silence, l’air de savoir quelque chose que j’ignore. (Je me calme quand mon chum me flatte les cheveux.)
- J’ai envie de me faire tatouer “Mon avenir, mes choix, sérieusement vous ne me connaissez même pas vraiment.”
C’est juste un peu trop long pour mon tronc. - Je cherche toujours une toune pour notre première danse. Les chats sauvages, de Marjo, ne serait pas une option, selon l’autre moitié de l’union…