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Vivre de poudre et d’eau fraüche (2)

Le défi Soylent

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Ça fait maintenant trois semaines que je n’ai rien mangĂ©. Je me nourris exclusivement de Soylent et d’eau depuis le 1er juillet. Pourquoi? Parce que j’ai des mauvaises idĂ©es.

(Vous ne savez pas ce qu’est le Soylent? Lisez la premiùre partie de la saga, par ici!)

La prĂ©paration et le “goĂ»t”

J’ai dĂ©jĂ  dit que ça goĂ»tait vaguement comme un smoothie au pain brun, et que le Soylent avait Ă©tĂ© créé pour ĂȘtre particuliĂšrement facile Ă  prĂ©parer. Mais rien ne vaut une bonne vieille dĂ©monstration et un test de goĂ»t. Pour ce faire, j’ai dĂ©cidĂ© de faire appel Ă  un spĂ©cialiste du test de nourriture “particuliĂšre”, Mathieu Charlebois du blogue Vas-tu finir ton assiette (aussi sur Facebook).

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La prĂ©paration est relativement simple: on prend le pichet (fourni avec la premiĂšre commande!), on y verse de l’eau jusqu’à la moitiĂ©, on verse la moitiĂ© du sachet de Soylent, on ferme et on brasse 30 secondes. Puis, on ajoute le reste de la poudre, on remplit avec de l’eau, et on rebrasse encore. C’est tout.

Pour ce qui est du goût, la conclusion est assez simple : Si un smoothie faisait une dépression, ça donnerait ça.

Vous pouvez aussi lire le compte-rendu de cette expérience, avec plein de gifs animés drÎles, sur Vas-tu finir ton assiette.

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Les commentaires

Quand j’ai commencĂ© Ă  parler aux gens de mon aventure, les rĂ©actions se sont divisĂ©es gĂ©nĂ©ralement en deux camps: la confusion et l’inquiĂ©tude.

1) Pourquoi??!?!?

Une bonne moitiĂ© des gens m’ont demandĂ© pourquoi je voulais m’infliger une telle chose et, plus gĂ©nĂ©ralement, pourquoi quelqu’un voudrait commencer Ă  manger un smoothie beige plutĂŽt qu’un bon repas cuit maison.

Personnellement, je fais ça parce que, comme on l’a Ă©tabli plus tĂŽt, j’ai vraiment des idĂ©es de marde. Mais aussi, c’est pas mal un test de volontĂ©: est-ce que je suis capable de me tenir Ă  un projet comme celui-lĂ  pendant un mois complet? Est-ce que j’ai la mental toughness pour me rendre jusqu’au bout?

Pour ce qui est des gens qui ne font pas ça pour un reportage, je m’en remets Ă  ce que Lee Hutchison disait sur Ars Technica: pour certaines personnes (souvent les techies ou les gens qui sont plus, disons, psychorigides), mĂȘme les recettes les plus simples sont pleines de terrifiantes zones de flou artistique. Mettez-vous dans la peau de quelqu’un qui n’a jamais, jamais appris Ă  cuisiner et Ă  qui on demande de cuire du steak hachĂ©, une tĂąche de base s’il en est.

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PremiĂšrement, il faut aller Ă  l’épicerie et choisir parmi plusieurs types de viande: mi-maigre, maigre, extra-maigre. Comment choisir? Ça change quoi, concrĂštement? Je veux juste manger du steak hachĂ©! Ce n’est pas comme s’il y avait des Ă©tiquettes claires qui expliquaient la diffĂ©rence.

Ensuite, il faut faire chauffer le poĂȘlon (ah, ça prend un poĂȘlon. Quel type acheter, pourquoi, est-ce que la fonte est meilleure que le Teflon?) qu’on recouvre d’huile (laquelle? combien on en met?) et qu’on chauffe Ă  “mĂ©dium-high” (c’est combien de degrĂ©s, ça? comment je sais que l’huile est assez chaude?) puis, mettre le steak dans la poĂȘle et dĂ©faire grossiĂšrement (ça veut dire quoi, exactement? Je dois diviser en combien de morceaux? avec quel instrument?). Puis, il faut ajouter du sel et du poivre “au goĂ»t” (c’est combien, ça, “au goĂ»t”?) et des Ă©pices “si dĂ©sirĂ© (Qu’est-ce que ça donne? Je devrais en dĂ©sirer ou pas? L’étape est optionnelle, mais comment je fais pour savoir si je veux le faire? Quelles Ă©pices pourraient aller lĂ -dedans?).

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Et ainsi de suite: comment savoir quand la viande est prĂȘte? Certaines personnes ajoutent des oignons: pourquoi? Est-ce que c’est normal que ça fasse de la boucane?

C’est un exemple extrĂȘme, et plusieurs d’entre vous diront que ça n’a pas de bon sens, parce que vous avez appris Ă  faire cuire du steak hachĂ© il y a longtemps et que maintenant, vous pouvez le faire instinctivement, les yeux fermĂ©s. Mais je peux vous dire, pour avoir passĂ© un bon bout de ma vie Ă  cuisiner pas mal juste des pĂątes et de la pizza congelĂ©e, que parfois, se lancer dans une recette “au pif” peut ĂȘtre extrĂȘmement intimidant.

Vous comprendrez donc que, pour quelqu’un qui voit mĂȘme les Ă©tapes de base d’un repas cuisinĂ© comme une abysse insondable, l’apparition d’un repas simple, au contenu nutritionnel sain et Ă  la prĂ©paration claire et sans Ă©quivoque puisse paraĂźtre comme un don du Ciel.

Vous trouvez ces gens-lĂ  ridicules et/ou mĂ©sadaptĂ©s? Hutchison vous propose une comparaison assez simple: si on vous demandait d’installer une application sur Linux Ă  partir d’une invite de commande, seriez-vous capables? Pourtant, c’est super simple:

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You just download your tarball, make sure you have your dependencies, set the options you want, and then it's just configure, make, and make install. The computer does all the work!

Ah, ça vous intimide? Vous prĂ©fĂ©rez vous acheter un Mac et ne pas vous casser la tĂȘte avec ça? Le App Store vous suffit entiĂšrement et vous ne voyez pas pourquoi vous devriez vous forcer Ă  comprendre le code source d’une application quand ça peut “juste marcher” en pesant sur un bouton? C’est ce que je pensais.

2) “Mais lĂ , tes protĂ©ines?”

Au dĂ©but, c’était presque flatteur: tant de gens s’inquiĂ©taient pour ma santĂ©! “Tes protĂ©ines?” “Mais lĂ  vas-tu ĂȘtre correct?” “Es-tu suivi par un mĂ©decin?” “As-tu pensĂ© Ă  tes Ă©lectrolytes?”

C’était bien la premiĂšre fois que quelqu’un se souciait de mes Ă©lectrolytes.

Et c’est lĂ  que j’ai compris (un peu) ce que mes ami-e-s vĂ©ganes vivent au quotidien.

Quand je me nourrissais Ă  peu prĂšs exclusivement de pĂątes sauce rosĂ©e et que mes lunchs consistaient en trois pointes de pizza, un sac de Miss Vickies et un coke, littĂ©ralement personne ne s’est inquiĂ©tĂ© Ă  savoir si mes quatre groupes alimentaires Ă©taient bien reprĂ©sentĂ©s. Me voyant revenir au bureau avec un trio Big Mac (et un McDouble en entrĂ©e), littĂ©ralement personne ne se souciait du fait que je ne mangeais “pas de la vraie nourriture”.

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Mais quand j’ai dĂ©cidĂ© de me lancer dans l’aventure Soylent, mĂȘme si je rĂ©pĂ©tais Ă  tout le monde que tous mes besoins nutritifs allaient ĂȘtre comblĂ©s par cette genre de glu beige sans saveur, j’ai eu droit Ă  des dizaines de gens qui se sont inquiĂ©tĂ©s pour ma santĂ©.

Pourquoi? Parce que ça fait peur: c’est diffĂ©rent, c’est Ă©trange, “ça se peut pas”. J’ai eu beau montrer l’étiquette avec les informations nutritionnelles Ă  qui mieux-mieux: on n’y croit pas.

À noter: les chiffres sont “par portion” et doivent ĂȘtre multipliĂ©s par quatre pour obtenir l’apport quotidien. (Aide-mĂ©moire: 25% fois 4 = 100%)
À noter: les chiffres sont “par portion” et doivent ĂȘtre multipliĂ©s par quatre pour obtenir l’apport quotidien. (Aide-mĂ©moire: 25% fois 4 = 100%)

Et pourtant. Depuis le dĂ©but de mon expĂ©rience, j’ai perdu environ 6 pouces de tour de taille, et je me sens en pleine forme! Je n’ai plus envie de faire une sieste Ă  14h Ă  cause de mon carb-overload du lunch. Les 2000 calories bien comptĂ©es sont en masse pour me rassasier, je n’ai pas plus faim qu’avant, je dors bien et je rentre dans mes jeans d’il y a deux ans.

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Bref: c’est possible de suivre une alimentation “alternative” sans mettre sa santĂ© en danger.

Et on dirait que ça fait peur au monde.

D’ici là:

“KampaĂŻ”.

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