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L’ADISQ: Here we go again

Par
Koriass
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Première chose qui me pop dans le visage en ouvrant Facebook ce matin, un article d’Émilie Côté dans La Presse intitulé “Loud Lary Ajust écarté de l’ADISQ” partagé par une dizaine d’amis. Le groupe ne peut être nommé dans la catégorie Album hiphop de l’année.

La raison? Leur album n’entre pas dans les standards linguistiques de l’ADISQ, qui stipulent qu’un album doit être au moins 70% en français pour être éligible dans cette catégorie. Selon leur étude de l’album, il est sous la note de passage demandée.

Ok d’abord, tough luck, on s’inscrit dans la catégorie Album anglophone.

Oh non! Wait! Dans la catégorie Album anglophone, il faut supposément que l’album soit à 50% anglophone pour qu’il soit éligible. Et selon leur étude de l’album, il est encore sous la note de passage demandée.

Le groupe se retrouve entre deux chaises.

Même pas, assis par terre entre deux catégories.

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Donc, on fait quoi? On reconsidère les méthodes désuètes d’évaluation?

Bien sûr que non.

On s’en lave les mains en donnant l’excellente raison: on a toujours fait ça de même. En mettant la faute sur le système et les méthodes d’évaluation, comme si elles étaient immuables et impossibles à changer.

Here we go again.

Lire cet article ce matin m’a juste prouvé une chose, mon cynisme est encore bien intact. Et ça me pousse à réfléchir sur les méthodes douteuses d’évaluation de l’ADISQ.

Les 70% francophones et 50% anglophones imposées en note de passage sont complètement absurdes et arbitraires. S’il doit y avoir un contrôle de la langue pour la catégorie, ça devrait être tout ou rien, non? 100% dans chaque langue ou rien? Non. Parce qu’il y a des nuances.

L’art est nuancé. Il est subjectif, large et pratiquement impossible à mettre dans des balises mathématiques. Selon leurs standards, ce que LLA font comme textes est moins francophone que Radio Radio, qui eux s’expriment en chiac, un métissage de langue beaucoup plus difficile à saisir pour la plupart des québécois, mais pourtant bien accepté dans leurs standards, ayant eu plusieurs nominations et même un trophée.

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Ça me pousse aussi à réfléchir sur les racines de mon cynisme envers l’industrie artistique québécoise. C’est toujours le même circle jerk. Les mêmes faces qu’on voit constamment, les mêmes animateurs, artistes invités, chroniqueurs. Il faut avoir un stamp “matante friendly” sur le front pour entrer dans la gang. Un rôle est passé à l’autre, et on se complait dans nos vieilles habitudes. Voir ces visages qu’on connait nous réconforte, ne change pas trop notre routine. On accepte des humoristes de la relève de temps à autre, parce que les humoristes ont la cote au Québec, plus que n’importe quel autre champ artistique.

L’émission Pénélope est pratiquement la seule émission de variété en prime time à offrir une visibilité au rap ou aux artistes de la relève au Québec.

Pourquoi ne pas inviter les gars de Dead Obies à Tout le monde en parle? Les gars ont de la répartie, du vécu, seraient aussi divertissants que n’importe quel autre artiste invité, et pour vrai, actually tout le monde en fucking parle. Pourquoi ne pas inviter Koriass à En mode Salvail? Pourquoi ne pas inviter Eman à *entrez émission de variété ici*?

Parce que les matantes les connaissent pas ces gens là.

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Ok, mais s’ils sont toujours marginalisés et refusés partout, comment les gens peuvent les connaitre?

Justement. Les décideurs ont le pouvoir de ce qu’ils offrent au public, et le public s’adapte, si le contenu est bon.

Les décideurs ont pris une chance avec Louis-Jean Cormier à La Voix. Beaucoup de gens ne le connaissaient pas, s’en sont suivis des “c’est qui lui” sur la page Facebook de l’émission. Ils ont pris une chance parce qu’ils croyaient en ses capacités et son talent. Résultat? La saison fut un succès, et son public s’est grandement élargi.

Il y a moyen de pousser le public à sortir de ses vieilles pantoufles un peu. La jeunesse est synonyme d’effervescence, de changement et de bouillonnement créatif. Quand j’ouvre ma télé, je ne vois que la vieille recette reservie jour après jour après jour dans un vieux cabaret de cafétéria.

Comme si le changement et la nouveauté faisaient peur.

Tout ça me donne envie de crier une seule chose: fuck toute, fuck l’industrie de marde et leurs rouages rouillés, leur ventre corrompu, leur complaisance et leurs méthodes absurdes. Parce que c’est comme ça que je me sens.

Mais je ne le dirai pas.

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En octobre 2014, j’ai eu la chance de gagner le Félix pour L’album hiphop de l’année à l’autre gala de l’ADISQ. Cerise sur le sundae, j’ai eu la chance de faire un super numéro avec Angèle Dubeau, dans le vrai de vrai gala, avec la variette devant moi et un million de téléspectateurs. Du rap queb dans le gala, c’est rare. Ça me donnait un petit souffle d’espoir, comme quoi on avançait tranquillement dans la bonne voie.

Faire un numéro sous-entend que je dois faire des répétitions, des meetings, jaser et dealer avec ceux qui dirigent tout ça. Dans mon expérience, j’y ai vu des gens passionnés, sincères dans leur envie de faire rayonner la musique d’ici et de donner un bon spectacle. Bref, des gens sympathiques avec des intentions nobles et réelles, qui travaillent fort avec tout ce qu’ils ont. Mon expérience n’a été que positive, a presque fait fondre mon cynisme.

Je sais que derrière la machine, il y a des humains. Des humains qui ne sont pas tous des hommes froids en cravate. Des gens imparfaits, mais qui ont de bonnes intentions. Des gens capables de s’adapter aux nouveaux courants, de comprendre qu’on est dans une sérieuse période de changement.

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Les gars de Loud Lary Ajust sont irrévérencieux, bruyants, mais révolutionnent à leur façon les méthodes d’écriture et l’utilisation du français, dans une technique hors pair et un métissage de langues maitrisé. Ne pas considérer leur apport à la culture et à l’évolution créative du rap québécois en les laissant simplement de côté utilisant comme prétexte que c’est de même qu’on a toujours fonctionné, c’est non seulement rétrograde, mais insultant pour les artistes qui méritent amplement d’être reconnus comme des pairs.

Et aussi parce que c’est indiscutable qu’ils ont pondu un des meilleurs albums rap de l’année, dis-je, de l’histoire du rap québécois.