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Mes hommages.
J’ai toujours été ravie qu’on m’invite à ses noces. D’une part, faut bien que ces chaussures vertes avec une poupoune qui ne se peut pas sur le dessus usent du dessous de la semelle. J’aime pleurer devant une Santa Maria de plâtre. Mais surtout, regarder deux fantastiques êtres chambranler jusqu’à l’autel (ou la table de patio dans une dompe où digne célébrant les attend) en perdant un peu pied devant la grandeur du geste, ça m’émeut.
Cette promesse de s’aimer pour un bout.
Les bonnes femmes en strapless qui n’auraient pas dû.
Et ces pochettes de dragées bleu poupon que nul ne suçotera jamais, mais qu’on rapporte chez soi, fébrile, en souvenir de cette veillée où il y avait beau ne pas y avoir de courant dans la salle de réception, on faisait sans sourciller nos menus besoins à la lueur d’une allumette craquée en se disant qu’il y avait pas mieux, comme noce.
Et c’est vrai, qu’il n’y avait pas mieux.
Les oublis. Le feu qui prend, les fils qui se touchent et les sexes turgescents-surprise dans une conga qui vire lascive, on s’y attend.
Mais pas à la robe blanche.
Bien entendu, ma chum de fille était sublissime dans sa toilette opalescente, la noix coiffée d’une petite voilette qui retrousse comme celle que porterait Jean Harlow mais dont l’hypothèse m’est difficile à confirmer, puisqu’à la lumière de ma recherche photo de pauvresse, Jean semble n’avoir jamais porté de voilette de sa sainte vie (et passé l’essentiel de son temps à se dessiner des sourcils).
La mariée était à couper le souffle et son simple souvenir me chavire.
C’est plutôt cette AUTRE robe blanche qui était étonnante.
Vous savez, celle que l’étiquette nous garde de porter. Celle qu’on raye de la liste des possibilités parce que, même si la tradition date, la white dress, c’est la mariée qui la porte.
Elle te paye le filet mignon. Tu lui laisses la robe blanche. Son moment de gloire.
Ta robe cerceau off white qui te fait des belles cannes attendra.
Et ce qui était fantastique chez la porteuse de L’AUTRE robe blanche, c’est qu’il ne s’agissait pas là d’une sombre sotte sélectionnée au dernier instant par un garçon d’honneur pressé, ou d’une touriste égarée et sapée de lin, inquiète de ne pas posséder la petite table pliante aux dimensions anales requises pour être admise à un pique-nique chic dans un lieu secret sous les flashes des paparazzi avides de photos du dîner réunissant le plus grand nombre de porteux de fedoras blancs de la grand’ ville.
QUE NENNI.
La dame à la robe blanche, c’était la belle-mère.
La deuxième femme du père de la (si magnifique) mariée.
Une femme délicieuse. Importante. Mais surtout une femme qui n’avait pas l’intention de laisser le spotlight à quiconque, sauf peut-être à l’ananas sculpté de la main d’un maître glacier de Mascouche qui trônait sur son petit crâne de dame sophistiquée, une chevelure argentée dont chaque mèche avait été finement flippée vers l’extérieur pour capter un maximum de lumière et possiblement servir à la nidification d’un couple de harfangs.
Dès mon entrée à l’église, mes pupilles étaient captives de son ensorcelant sens du spectacle. J’ignorais l’identité de la dame, mais j’en humais déjà la mesquinerie sans même avoir franchi le périmètre olfactif de la fiole de Neiges vidée de son contenu sur son petit chest fripé de type « Cayo Coco sous un palapa une couple d’heures de trop ».
Sa robe en organza blanc scintillait comme j’ai rarement vu scintiller (exit les cornées de Marc Hervieux devant un contrat de acting). Il devait bien y en avoir pour mille piastres de frills, de volants pis d’extravaganza, et son petit cou sec était délicatement drapé d’un suivez-moi-jeune-homme, grand voile blanc qui ondulait dans la brise et qu’elle faisait virevolter avec grâce au moindre bruissement de faïence.
On ne voyait qu’elle.
Toujours debout devant la mariée. Dans le chemin du petit page ou couchée dans le plateau de verrines. C’était SA NOCE.
SON PARTAY.
Sans égard pour mon amie qui, depuis la petite enfance, survit à la froideur de la harpie sans courber l’échine, inspirant et expirant parce que son père, un homme qu’elle aime pas pire, a choisi cette femme comme épouse. Une femme qu’elle avait, en fermant les faux-cils, assise à la table d’honneur.
Mais le moment phare de la noce, celui qui mérite la cerise et son marasquin, c’est cet empressement que la dame en blanc eut, tout juste après le discours des mariés, de chuchoter à l’oreille de son époux un grand secret qui nécessite de petites mains noueuses couvertes de bejoux autour de l’oreille du destinataire.
Les yeux pleins d’étoiles. Et la sautillette. ELLE SAUTILLAIT.
Sa requête? Avoir l’infini honneur d’être la première à danser au bras du père de la mariée et d’ouvrir le ballroom pour ravir l’assemblée des splendeurs de son statut.
La belle-mère en robe blanche venait d’exiger la première danse.
La mariée attendrait sur son tabourette avec un bol de chips pis d’espoirs déçus.
Je ne revivrai sans doute jamais pareil moment de félicité que lorsque le regard de la belle-mère quitta subitement le carrousel sur lequel elle s’imaginait chevaucher un centaure en émeraude pour accueillir le plus prodigieux des « NO WAY, CÂLISSE » à jamais avoir été prononcé de la bouche d’une jeune mariée, même lorsqu’il fut mention d’une danse où cette dernière tournerait sur elle-même pendant qu’on lui colle des cinq piastres en lui souhaitant une nuitée sexée.
Samedi dernier, j’ai été témoin de beaucoup de laid. Mais de tant de beau, aussi.
Et astheure que j’ai l’expérience et surtout, le cervelet imprégné de la grossièreté de cette sexagénaire angus, ceuzécelles qui tenteront désormais de ruiner, ne serait-ce QU’UNE BRIBETTE, les épousailles, la bar mitzvah ou le retour d’âge de toute caille qui m’est chère doit être avisée que je swigne les plateaux à soucisses dans le ketchup à la même vitesse que Jocelyne efface ses tweets disgracieux.
T’envisages porter du blanc au bureau lundi matin? No way, câlisse.
À compter d’aujourd’hui, c’est « après la fin de semaine du travail » pour tout le monde.
La bise.
(Et vive les mariés)