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Depuis que tout le monde maîtrise 24 professions

Je suis tannée...

Par
Rose-Aimée Automne T. Morin
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Je devrais consulter ou juste placer mon énergie ailleurs, mais je suis obsédée par les gens qui pratiquent 24 métiers. Ils ont envahi Twitter. Ils sont animateur-recherchiste-gestionnaire-de-communauté-auteur-et-étudiant-universitaire ou encore chanteur-poète-illustrateur-designer-de-mode-et-comptable. Ils ont 22 ans, mais dominent déjà le monde, accumulant les expériences professionnelles à un rythme fou. Ils ont tous un démo pour accompagner leur CV de 19 pages – CV probablement dessiné au fusain avec leurs doigts de pieds.

J’aimerais croire qu’ils forment une minorité, mais je les vois, de plus en plus nombreux, prendre d’assaut le marché du travail. Je n’ai pas de raison de mettre en doute leur parole, alors je me pose la question : coudon, suis-je la seule personne qui n’a que trois spécialisations? (C’est-à-dire la recherche, la rédaction et la mémorisation de toutes les paroles entendues sur les deux premiers albums des Respectables.)

Comment font aujourd’hui les gens pour exceller dans autant de domaines? Selon mes calculs, ils ont probablement commencé à travailler à six ans et quart. Sinon, ils ont peut-être compris quelque chose au multitasking que je n’ai toujours pas saisi… Ils écoutent des livres audio sur le DIY de chandelles, tout en écrivant leur deuxième roman de la main droite et en coupant de la main gauche des saucisses qu’ils plongeront dans une paella qui révolutionnera la cuisine espagnole.

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Tout ça soulève chez moi de grandes questions sur les titres. Alors qu’on peut facilement se filmer et partager du contenu, est-ce qu’il suffit de prendre trop de place dans un party de Noël retransmis sur Périscope pour revendiquer le titre d’animateur? Un clip aux jeux de la communication, est-ce assez pour faire de moi une journaliste? J’édite souvent mes statuts Facebook, suis-je une spécialiste des réseaux sociaux?

La nuit, quand je ferme les yeux, je rêve d’une grande divinité qui me chuchoterait à l’oreille l’expérience réelle derrière chaque titre prétendu sur les cartes d’affaires du monde. Des fois, je rêve aussi d’avoir une vie qui ne me laisserait pas assez de temps libre pour lire autant de biographies sur Internet.

Je chiale, je chiale, mais entendons-nous : c’est la peur qui parle. Je commence à croire que le pigiste du futur sera celui qui peut traduire un document le jour, le graver dans un morceau de plywood recyclé le midi et le slammer au Quai des brumes le soir.

Je ne suis juste pas équipée pour ça.

Depuis que tout le monde maitrise 24 professions…

  • Je me sens intellectuellement, artistiquement et physiquement limitée.
  • Je suis jalouse, alors je m’octroie un titre pour chaque conférence Ted regardée en ligne.
  • Je gosse sur un djembé en me tapant des Belle et bum au ralenti. Je n’ai pas envie de faire un Bugingo dans mon cv de conceptrice-saltimbanque-percussionniste…
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