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“Elle pleure.”
“Elle aurait préféré que ça se termine autrement.”
“Au moins, elle me trouve encore beau.”
J’étais assise devant mon copain, dans le bureau qu’on avait décoré ensemble et dans lequel on ne partagerait plus la moindre discussion. On se séparait et il live-twittait. Des coups de 140 caractères lancés sur le Web, comme une dernière rage. Nos aurevoirs publiés pour tous.
Pendant que je m’épanchais, que je me justifiais, que je faisais mal (on fait toujours mal), mon téléphone sonnait. Les messages rentraient à un rythme fou, tous me prévenant que j’étais soudainement plongée contre mon gré dans un étrange exercice d’exhibitionnisme du coeur.
Il y en a qui nous reprochent de profiter de nos vies virtuelles pour ne montrer que nos bons côtés. Je pense que ce soir-là, mon ex a vraiment tout donné pour les faire mentir : il leur a rentré du vrai et du laid dans la gorge. Fort.
On se laissait et il le dévoilait en temps réel.
Why the fuck?, pourrait-on se demander! Probablement plus pour me rendre la monnaie de ma pièce que par nécessité émotive. C’était une façon aussi surprenante qu’efficace de me rappeler que je me dévoile trop et que c’est lourd. (J’ai déjà live-twitté un rendez-vous chez le gynécologue. Si certains trouvaient l’exercice déplacé, moi je me disais que c’était un bel effort de sensibilisation. Le Pap test, c’est important, ok? Je n’aurai jamais assez de tribune pour jaser de santé utérine. Jamais.)
Bon, c’est clair qu’on peut juger les intentions d’amants brisés qui révèlent leurs plus douloureux moments sur Twitter. On peut aussi être choqué par un tel manque de pudeur ou trouver une certaine violence dans l’acte. Ce sont des réactions légitimes et ce sont évidemment celles que j’ai d’abord eues. Avec le recul, j’ai toutefois choisi une autre position : peut-être qu’on ne sait juste pas comment se gérer la peine à l’ère du numérique.
Se séparer, ça suce. Se séparer quand on est habitué de tout dire, écrire et commenter, je pense que ça ajoute à la complexité de la gestion de crise.
On n’a pas encore clairement établi les codes. On sait que publier les photos et les vidéos cochonnes d’un.e ancien.ne partenaire, c’est non. On sait que poster des citations inspirantes sur le célibat nous permet de récolter quelques likes, souvent de la part de gens aigris qui ont eux aussi partagé le fameux “je ne suis pas célibataire, je suis en couple avec ma couette.” On sait aussi qu’un innocent “je me cherche un appart plus petit” nous permet de recevoir quelques inbox de gens qui aimeraient passer de l’échange d’émoticones à l’échange de mains dans les culottes…
On a compris plein de choses!
À tâtons, à tort et à travers, de façon gênante ou fière.
Reste qu’on commence à peine à défricher le terrain de la rupture sur le web… On est les pionniers de l’épanchement émotif potentiellement analysé par compagnies, publicitaires et gouvernements. Ce n’est pas rien! Je fais donc ma part en vous offrant mes deux sous sur le live-tweet d’une rupture : ce n’est pas l’idée du siècle. Une séparation n’est pas le moment idéal pour du multitasking. Dors là-dessus. Demain, tu pourras créer un blogue sur votre relation…
(NON.)
Depuis que mon ex a live-twitté notre rupture :
- J’ai cessé d’être frustrée en me disant qu’il a fait ça pour l’art et que le résultat aura éventuellement une valeur littéraire.
- J’ai compris qu’il vaut mieux se séparer là où le wifi ne pogne pas. Genre, dans le sous-sol de l’hôpital St-Luc ou au sentier de la nature de Farnham.
- Je me méfie de Periscope et de Meerkat comme du yable.
- J’ai décidé que je ne daterai plus jamais de poètes. Sauf si on considère que les paroliers sont des poètes… Roger Tabra, appelle-moi donc.
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Pour lire un autre texte de Rose-Aimée Automne T. Morin : “Laisser ou être laissée : choisis ta douleur!”